Dossiers politiques
« Porte parole théorique de la classe ouvrière et de ses alliés, le socialisme français ne fut jamais que l’expression pratique de la petite bourgeoisie salariée. » Une définition que l’on doit à un homme quand même proche de la maison socialiste, Laurent Joffrin, et issue de son livre « La régression française » publié en 1992 (le Seuil). Et cette « petite bourgeoisie salariée » est avant tout issue de la Fonction Publique. Quant aux dirigeants du parti ils sont souvent issus de la grande bourgeoisie. D’où cet antagonisme entre parfois une idéologie radicale chez certains et un opportunisme électoral chez d’autres… quand ce ne sont pas les mêmes.
« Sarkozy fatigue, emmerde. C’est le vol du bourdon qui trouble la mouche tsé-tsé » écrivait André Bercoff à l’automne 2008. Comprenez, il est fatiguant à vouloir réformer une France endormie qui, finalement, se trouve pas si mal que ça avec ses bataillons de fonctionnaires d’un côté, des bataillons d’assistés de l’autre, et au milieu un secteur marchand qui se réduit comme la peau de chagrin qui se racornit à chaque désir satisfait par l’Etat, un secteur marchand (ou privé) dans l’impossibilité d’être efficacement concurrentiel une fois que les 56% du PIB auront été prélevés pour faire tourner l’usine à gaz nationale. Et apparemment ce n’est pas suffisant à entendre ceux qui monopolisent la parole et la rue.
La vieille garde électorale de la 5e République qui va de la droite républicaine au parti communiste, celle qui recueillait environ 90% des suffrages à chaque élection, franchit désormais à peine la barre des 60%, comme si un monde était en train de disparaître, celui des vieux partis issus de l’après-guerre, quand ils ne venaient pas quasiment du début du 20e siècle. Socialistes, communistes, centristes, gaullistes, de SFIO en PS, d’UNR en RPR puis UMP, de MRP en R.I puis UDF, de PCF rouge flamboyant en PCF à l’agonie, ils ont fait les grandes heures de la 5e République, présidentielles et législatives, ils étaient entre eux au fond des urnes.
En France, la politique c’est comme l’argent : soit on refuse d’en parler, comme un secret de famille, soit on lâche un laconique « je n’y comprends rien, alors… »
C’est vrai que notre rapport avec la chose politique peut paraître complexe. Nous nous targuons d’être le peuple le plus progressiste de la planète, quasi détenteur des droits d’auteur sur la démocratie, toujours aptes à distribuer gifles et punitions aux retardataires, et pourtant nous sommes des conservateurs patentés en la matière. Un exemple : en 1995, le Président de la République sortant, François Mitterrand, était un homme qui avait débuté sa carrière au moment de la seconde Guerre Mondiale, il fut ministre en Traction Citroën, et le Président entrant, Jacques Chirac, fut lui ministre en DS Citroën. C’est-à-dire qu’à l’aube du 21e siècle, les deux présidents qui se croisaieVnt sur le perron de l’Elysée avaient travaillé avec Pétain, Blum, Herriot, Coty, de Gaulle, Pompidou… comme si Adenauer, Kennedy, Nixon, Churchill et Krouchtchev étaient toujours aux affaires en 1995, même 2007 puisque Jacques Chirac a duré jusque-là. Seule sa Majesté la Queen a fait aussi bien, mais elle, on le sait, est « élue à vie ! »
A quoi bon ? A quoi bon réfléchir, vouloir réformer, se bouger le popotin et sortir du blutoir le meilleur de la synthèse ? Les Français veulent des baignades et de l’assistanat. Bien sûr, le ton est provocateur, mais enfin, quand tous les observateurs prédisent à plus ou moins brève échéance la faillite de notre système de retraites si rien ne change très vite, les Français répondent à 58% (sondage mi-avril) qu’il ne faut pas toucher à la retraite à 60 ans, c’est un acquis. Et un de plus qu’on va traîner jusqu’à ce qu’on ne soit plus que les valets de chambre des Chinois et des Indiens qui viendront nous visiter, un peu comme on va au zoo d’ExceptionLand.