Illusion ou réalité, il est sûrement trop tôt pour se faire une opinion, mais le fait est là, depuis quelques mois on ne parle plus que de l’auto électrique, certes un peu sous la pression des politiques qui ont embrayé sur une sorte de phénomène de mode, lié ou pas aux résultats récents des partis dits écologiques. Mais là encore on peut douter qu’il y ait une implication directe des uns ou des autres, ou pour faire court, qui a commencé : la poule ou l’œuf ? Car si on regarde les résultats des récentes élections législatives en Allemagne, pays qui est sans nul doute aujourd’hui la Mecque de l’automobile puissante avec V6, V8 et V10 sous les capots, les Verts n’ont réalisé que 10%, alors qu’eu égard à l’ambiance actuelle où l’on ne parle que développement durable et limitation des émissions de CO² (et des automobiles), on aurait pu s’attendre à un raz de marée de la mouvance écologique. Méfions-nous donc de ces effets de manche qui permettent parfois aux politiques de masquer toute absence d’idées nouvelles.
Branchez-vous…
Mais il faut quand même le reconnaître, c’est la voiture électrique qui occupe les esprits en cette rentrée, même si personne ne sait aujourd’hui comment concrétiser cette aspiration à un air totalement débarrassé des rejets de nos bagnoles : quelle autonomie, quels seront les coûts réels d’achat et d’utilisation, comment recharger les batteries, comment fabriquer l’électricité nécessaire à faire avancer des dizaines de millions d’automobiles électriques, comment recycler ces mêmes batteries ?...
On a un peu l’impression de mettre la charrue avant les bœufs, mais on sait également qu’il faut bien commencer quelque part… alors ce quelque part était peut-être le salon automobile de Francfort au cours duquel chaque constructeur est venu avec sa solution pour un futur plus propre, futur qui, soit dit en passant, a déjà commencé puisque les émissions de CO² et les consommations de carburant sont continuellement à la baisse depuis quelques années. Pour mémoire, rappelons qu’en 1990, 20 millions d’automobiles rejetaient en France 116 millions de tonnes de CO², et qu’en 2007, pour 30 millions d’automobiles on était à 133 millions de tonnes, certes c’est plus, mais avec une telle augmentation du trafic, c’est énormément moins.
Quoiqu’il en soit, il ne faut pas attendre de miracles avant au moins une décennie, d’ailleurs les professionnels ne sont pas d’accord sur le sujet, le patron de Renault évoque 10% du parc en électrique d’ici à 2020, celui du Groupe Volkswagen parlant de 1,5 à 2%. Il faut dire qu’il y a un vrai débat et que les enjeux sont colossaux. Celui qui prendra la mauvaise direction risque de la payer très cher. Et la question est simple : doit-on miser sur la voiture électrique ou sur l’hybride ? Renault part dans l’électrique (4 modèles présentés au salon de Francfort), Peugeot de son côté sortira dès l’an prochain son premier modèle hybride grand public, la 3008. Et sans vouloir prendre parti, il apparaît que la solution hybride semble plus à même à répondre aux exigences actuelles, tant au niveau de l’autonomie de l’auto, que du problème des batteries. En fait, l’hybride permet le rejet zéro en cycle urbain, et d’avoir, selon les modèles, de 500 à 1.000 kilomètres d’autonomie avec le moteur thermique, qui, on le sait, peut être diesel avec des consommations de moins de 5 litres. D’où le succès de la Toyota Prius, et d’où le succès prévisible de la future 3008 hybride.
… pour être branchés !
Récemment, Jean-Louis Borloo annonçait l’installation de 4 millions de bornes pour recharger les batteries de nos futures autos électriques. Méfions-nous des effets d’annonce, il y a peu, le même ministre inaugurait la première pompe d’E85, une première qui devait être rapidement suivie de milliers d’autres. Trois ans après, le bioéthanol ne semble intéresser personne, peut-être parce que les pompes ne sont jamais venues. Et pourtant, combien de sujets ont été diffusés auprès du grand public pour vanter « la solution d’avenir ». Là encore, il fallait suivre un effet de mode, montrer qu’on avait pensé à tout (et surtout à rien), et que seuls les imbéciles pouvaient mettre en doute une telle initiative. Alors, sommes-nous en train de remettre le couvert avec l’auto électrique, oui et non.
Oui, si l’on part du principe qu’il s’agit bien de la seule alternative à l’extension du trafic, donc de la pollution (qui n’est quand même plus de notre fait quand on sait que la Chine à elle seule est responsable de 50% de la pollution de la planète) et qu’il va falloir polluer gravement pour fabriquer toute cette électricité nouvelle que le nucléaire ne pourra fournir, et non si on part du principe que l’automobile qui roule avec l’énergie électrique est une alternative viable pour les déplacements urbains, et seulement les déplacements urbains. Donc avec la solution hybride : électrique en ville, thermique au-delà.
Le tout électrique pour être branché, l’humour est facile, mais bien dans le contexte actuel, car pas un seul jour, pas une seule déclaration officielle, pas une réunion des « grands » de ce monde sans que l’automobile n’apparaisse comme responsable de tous nos maux. Un truc facile pour éviter d’expliquer la crise économique, les délocalisations, les déficits, la dette et tous les autres soucis de notre société.
Au-delà des discours et des bonnes intentions, il reste les faits, surtout les interrogations : disposons-nous suffisamment de ressources en lithium pour les batteries, comment fabriquer l’électricité, et surtout, si l’on considère que d’ici à trente ans la population de la planète aura augmenté de près de 50%, arrivera-t-on à remplacer les autos low cost que les pays pauvres vont commercialiser par des véhicules alternatifs, électriques par exemple ? Car une chose est sûre, comme le souligne Denis Delbeck, « la bagnole du pauvre rendra le pétrole inabordable. »
LE CHRONIQUEUR