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Bienvenue en République Démocratique et Populaire Française

19/06/2011
« Chacun le sait depuis Michelet, la France est une personne, mais c’est alors aujourd’hui une personne bien malheureuse. A tous ceux qui l’observent, du dedans comme du dehors, elle apparaît habitée par le doute, rongée par l’inquiétude, submergée par la déception, exaspérée par le pouvoir politique, amère vis-à-vis de la gauche, anorexique vis-à-vis de la droite, déçue par son destin, incertaine d’elle-même et de son avenir, par-dessus tout déstabilisée à force d’anxiété. » C’est ainsi qu’Alain Duhamel démarre son essai « Les peurs françaises » (Flammarion)... enfin, démarrait son essai en janvier 1993. Changeriez-vous une phrase, un mot vingt ans plus tard, et ce après la fin du second mandat de François Mitterrand, le premier et le second de Jacques Chirac et celui de Nicolas Sarkozy finissant, et après Bérégovoy, Balladur, Juppé, Jospin, Raffarin, Villepin et Fillon à Matignon ?

Pour 850 € de bonheur...

Ainsi va la France depuis vingt ans, engluée dans ses doutes et ses peurs, une génération élevée avec le sentiment que de toute façon plus rien n’est possible, et qu’inéluctablement nous allons

« disparaître » du monde. Du moins d’un monde où tout se déciderait sans nous parce que nous n’y croyons plus, parce que nous avons trop de fois joué l’Etat-providence contre la société marchande, il suffit de constater aujourd’hui qu’une

très forte majorité de lycéens aspire à entrer en fonction publique, et qu’une même proportion de parents souhaite pour leurs enfants un emploi de fonctionnaire.

Alors comment s’étonner de voir surgir à un an de la présidentielle des lapins d’autant de chapeaux, ici les emplois jeunes de Martine Aubry, ailleurs l’allocation de 850 € de M. Villepin qui serait versée à toute personne de plus de dix- huit ans, deux propositions non chiffrées il va s’en dire. Les emplois jeunes on les connaît, on les a vus sous Jospin, ce sont des postes de fonctionnaires déguisés en accès au premier emploi. Quant aux 850 euros mensuels, voilà une merveilleuse machine à fabriquer des branleurs assistés. Imaginez un jeune couple « non homologué » qui toucherait 1700 € par mois (chacun son allocation d’adulte méritant), plus un peu d’allocation logement et quelques aides ciblées, mais c’est le bonheur du matin au soir devant l’écran plat ou l’ordinateur pour facebooker avec la tribu. Et que monsieur de Villepin ne se fasse pas d’illusions, il n’aurait même pas droit à un merci !

 

Cas à part ou cas désespéré ? 

Nous ne reviendrons pas sur les chiffres, ils sont éloquents, mais pour faire court on rappellera que c’est en France que l’on dépense le plus d’argent pour les politiques publiques et sociales. L’Etat est un ogre mangeur de croissance, à tel point que même lors des bonnes années à 3 ou 4 points de croissance nous n’arrivons plus à basculer en solde positif, tant en matière budgétaire qu’en emplois. Nous souffrons d’une maladie qui s’est déclenchée au cours des années 80 mais que personne n’a diagnostiquée à temps, et aujourd’hui pas un politique n’a le courage d’annoncer la mauvaise nouvelle à la famille. La seule issue serait la nationalisation de toute la France, entreprises, banques, épargne, logements, la fameuse affaire du grand partage pour le Grand Soir ! Ne riez pas, des millions de Français signeraient aujourd’hui un tel engagement, du moins plus nous nous enfoncerons et plus cette idée fera du chemin dans l’opinion. Une sorte d’instauration d’une République Démocratique et Populaire Française où il ferait bon de se la couler douce du lundi au soleil au dimanche au bord de l’eau. Vous avez des problèmes, des fins de mois difficiles, des soucis avec l’avenir de vos enfants, besoin d’un logement, d’un bon pour les vacances, de vous déplacer mardi en huit, pas de panique, l’Etat se charge de tout !

 

D’utopie en cauchemar... et l’inverse

 Lorsque l’on consulte certaines informations dites officielles en provenance de l’Insee ou de la Cour des Comptes, on comprend que le doute n’est pas permis : en quasiment trente ans (chiffres de 1980 à 2008), la France a gagné 18,3% de population, et 36,3% de fonctionnaires, la fonction publique territoriale (les collectivités) étant la plus prolifique en la matière avec + 71,2% d’effectifs. Comme le souligne Agnès Verdier-Molinié dans son ouvrage « Les fonctionnaires contre l’Etat » (Albin Michel) « l’une des plus grandes erreurs de la société française est d’avoir confié à la fonction publique les clés de la gestion de la France. Notre pays porte encore aujourd’hui les stigmates d’un après-guerre dont nous n’arrivons pas à sortir avec le cadeau fait aux communistes du statu de la fonction publique. »Et petit à petit, tout le monde dépend de l’Etat, de la région, du département, de la commune pour le travail, pour le logement, les transports scolaires ou pas, les loisirs, la santé, et je ne parle pas de ceux qui se nourrissent et s’habillent auprès d’associations par ailleurs fortement subventionnées par ces mêmes collectivités. Et comme tout cela a un prix, chaque année on en demande davantage à ceux qui font partie des mauvais Français appelés contribuables au mieux, ou sales cons de riches au pire, et même en ratissant de plus en plus les bas de laine, les déficits augmentent, et on sait qu’à 150 milliards le coup, c’est plié, on ne pourra jamais plus revenir à l’équilibre (la seule dette sociale augmentera de 30 à 35 milliards cette année). D’autant que les mains se tendent pour réclamer davantage et que les politiques embauchent à tour de bras dans les services publics (30.000 à 40.000 fonctionnaires supplémentaires chaque année dans les collectivités territoriales).

 

 

Les mêmes peurs pour conclure

Nous avons ouvert avec « Les peurs françaises » d’Alain Duhamel, voici ce qu’il écrivait dans ce même essai pour conclure, et toujours en janvier 1993 : « ... La France a besoin d’inventer un nouveau projet collectif, de nouvelles ambitions nationales. Ce serait la meilleure thérapeutique contre l’esprit de doute, la tentation du découragement et les impasses de la démagogie. » Peut-être en avait- on encore les moyens ou l’ambition en 1993, mais comment pourrions- nous faire émerger de « nouvelles ambitions nationales » au moment où collectivement nous refusons de relever le gant face à la compétitivité nouvelle apparue avec les années 2000 ? A cette époque la Chine n’existait pas en tant que puissance économique mondiale. Il nous reste alors le « nouveau projet collectif », il ressemble à s’y méprendre à un collectivisme rampant qui serait une sorte de mixte entre le pétainisme et les soviets. « Nous allons être très malheureux. Quel bonheur ! » diraient Orphée et Eurydice. Abyssus abyssum invocat : l’abîme appelle l’abîme.

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