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Un nucléaire en devenir : les réacteurs à sels fondus (RSF) de thorium

17/02/2012
Préoccupé de préservation de l’environnement et de développement durable, le monde occidental mais plus particulièrement la France mise sur le nucléaire, la fission d’un combustible nucléaire tel l’uranium 235, parmi d’autres atomes fissiles bien connus dégageant deux millions de fois plus d’énergie thermique à masse pondérale équivalente sans émission de gaz carbonique ou CO2 que les combustibles chimiques « naturels » tels le charbon et le pétrole, dont la combustion dans l’air en produit inévitablement, ainsi que des gaz et particules éventuellement fort polluants ou toxiques.
Bien entendu, il serait bon d’évaluer quelle a été la contribution à l’émission de C02 des industries qui ont permis la mise en place des centrales nucléaires actuellement en usage, et surtout la production de l’indispensable 235U extrait par de délicates et coûteuses opérations d’enrichissement isotopique de l’uranium « naturel », tandis que ces opérations ne sont pas nécessaires dans le cas d’une autre filière nucléaire à vocation proprement civile, systématiquement écartée depuis plusieurs décennies, alors qu’elle est au point.

 

 

 

De l’achat public

La présente étude a pour but de la faire découvrir, comparativement à celles de l’uranium enrichi (à 3% de 235U) ou au plutonium, les seules promues et de manière encore absolument exclusive à notre époque, car largement utilisatrices en temps de paix des matériaux fissiles permettant de fabriquer les précieuses bombes atomiques que de plus en plus de nations dans le monde veulent posséder au prix de tous les sacrifices et de toutes les opiniâtretés...

Il est pourtant notoire qu’il n’est ni raisonnable ni heureux de vouloir reconvertir à l’usage civil des matériaux ou des matériels conçus dans un but de guerre, aucune complémentarité ou interchangeabilité ne pouvant exister entre les domaines militaire et civil, évidemment radicalement antagonistes.

Mais revenons à la France... et au Salon des Maires et des Collectivités Locales en tant que grand rendez-vous de l’achat public. Très logiquement, toute implantation sur le territoire français d’une unité de production d’énergie, nucléaire ou autre, intéresse les maires responsables des espaces concernés, et la session de fin 2009 a servi de vitrine, par l’intermédiaire d’EDF, au chantier « EPR » de 3e génération de Flamanville (Manche) qualifié de « plus grand chantier d’Europe ».

Il est évidemment prévu pour répondre à sa mesure à la croissance des besoins en énergie auxquels est condamné le monde moderne. Mais cette énergie finit inévitablement par être gaspillée en entraînant des ruptures de plus en plus flagrantes des processus naturels assurant l’équilibre climatique et écologique de la planète. La croissance par an de tels besoins d’ici à 2030 exprimée en électricité (soit le triple en chaleur) est estimée à 0,5% pour la France et à 1,6% pour toute l’Europe. Quant aux besoins mondiaux, ils devraient avoir augmenté de 60% d’ici à 2030 !

Il est donc bien clair qu’une filière nucléaire de plus grande efficacité et de meilleur rendement que les filières actuelles dites « classiques », moins vulnérable aussi en cas d’éventuelles agressions de type terroriste, va devoir rapidement prendre le relais. Nous examinons ci-après ce que l’on peut attendre à cet égard des RSF de thorium déjà évoqués.

 

 

Le chantier de Flamanville

Dans cette quête, le chantier de Flamanville où se trouvent déjà deux réacteurs de 1.300 mégawatts chacun, installés dès 1985 selon la technologie « EP » (eau pressurisée) de cette époque, moins sophistiquée que celle de nos jours, va nous servir de référence. Le Réacteur à Eau Pressurisée qui doit y être implanté (l’eau, pressurisée pour rester liquide à très haute température (255°) assurant l’indispensable ralentissement des neutrons) devrait commencer à fonctionner à partir de 2012, et ce pour trente ans. C’est une unité de 1.650 MW, elle est dite de 3e génération car elle comporte quatre systèmes de sauvegarde ou de sécurité, contre deux pour les réacteurs déjà en service sur le site.

Les centrales de ce type fonctionnent à partir de « crayons » longs de plusieurs mètres résultant de l’empilement de pastilles d’environ un centimètre de diamètre d’oxyde d’uranium enrichi. Le refroidissement très mesuré est opéré par de l’eau pressurisée comme déjà dit, envoyée dans des batteries d’échangeurs devant comporter d’immenses surfaces d’échange calorifique. Les quantités de chaleur à évacuer sont en effet énormes, compte tenu de la puissance affichée de l’unité en voie de construction. Il n’est pas inutile de se demander à quels coûts peuvent bien correspondre de telles prouesses techniques, dont l’excellence ne dispense pas pour autant d’aménager sous la cuve un espace (ou « cendrier ») où seraient recueillis les produits de la fusion du réacteur en cas d’incident grave au niveau du refroidissement. L’évacuation finale des calories non transformées en énergie électrique est évidemment demandée à l’eau de mer dont il est envisagé d’employer de l’ordre de 150 m3 par secondes 24 heures sur 24. La mer se réchaufferait ainsi localement de 3°. Ce processus serait continu, le régime de croisière des EPR n’étant pas en soi vraiment modifiable, sa modulation entraînant des pertes économiques. Dans les périodes de moindre demande, il est donc préféré de vendre l’énergie produite à prix « promotionnel ». L’énergie en question est bien entendu celle des turbines qui vont convertir en énergie mécanique, selon le rendement thermodynamique de Carnot, l’énergie thermique dégagée par l’EPR, elle-même étant convertie ensuite en énergie électrique, seule transportable, par des générateurs appropriés.

 

Les contraintes liées à la technologie « EPR »

Pratiquement la quasi-totalité de l’énergie thermique émanant des EPR provient de la fission du 235U. La température centrale des crayons en cours de combustion nucléaire est de l’ordre de 2.000°, la température périphérique n’étant que de l’ordre de 300°. L’eau pressurisée assurant le refroidissement ne doit pas faire baisser cette température périphérique de plus de 36°, afin que soient évités des chocs thermiques destructeurs. D’où la nécessité de disposer des batteries d’échangeurs calorifiques aux capacités immenses, aptes à distribuer efficacement les quantités de chaleur émises aux dispositifs en assurant la transformation en énergie transportable, ou le rejet dans l’environnement de ce qui n’a pas été transformé en raison du rendement de Carnot. Ce rendement peut être d’ailleurs très significativement augmenté par rapport à celui permis par la technologie EPR, par exemple au sein des filières nucléaires structuralement différentes, ce que nous développons de manière documentée dans la suite de notre propos...

 

La sage voie du recours délibéré aux filières à vocation strictement civile

Face à la centrale EPR 3 de 1.650 MW de Flamanville qui n’existera qu’à partir de 2012, nous allons « camper » une centrale à sels fondus de thorium de 1.000 MW électriques qui n’existe pour le moment pas davantage, mais qui pourrait être rapidement suscitée, le savoir-faire indispensable étant parfaitement connu.

Les Réacteurs à Sels Fondus (RSF) de thorium (ce sont des tétrafluorures de thorium) présentent plusieurs avantages décisifs au plan socio-économique par rapport aux filières type EPR. En raison des différences structurelles de leur conception même, n’existe pas les concernant le problème posé par la masse des assemblages et graines destinés à devenir des déchets radioactifs pour des centaines de milliers d’années, passée la durée de vie du réacteur relative aux EPR (30 ans) suivie de l’immersion en piscine. De nos jours, la masse mondiale de tels déchets dépasse les 250.000 tonnes. Un réacteur à sels fondus est également établi pour 30 ans afin que l’isotropie ou identité comportementale en toutes directions de sa « couverture » en graphite de grande pureté, assurant le ralentissement des neutrons, ne finisse pas par être compromise par le bombardement neutronique au-delà de cette durée. Quant aux sous-produits radioactifs d’une filière au thorium, qui sont eux aussi de grande dangerosité, ils offrent l’avantage extrême d’une durée d’extinction de leur radioactivité ne dépassant pas la centaine d’années.

 

Autres atouts spécifiques

L’encombrement réduit d’un RSF par rapport aux EPR ou PWR (et à toutes les variantes existant dans le monde qui dérivent de ce type de technologie) entraîne bien d’autres précieux avantages encore. Une donnée essentielle est celle de la puissance thermique ramenée globalement au mètre cube de milieu réactif, ou puissance volumique. Elle est pour les RSF de 7,2 MW thermiques/m3. Un RSF de 1.000 MW aurait un volume total, compte tenu de la couverture graphite, de moins de 100 m3, occupé par un cube de quelque 4,5 mètres de côté, pouvant aisément être enterré, ainsi que l’équipement des turbines et

générateurs conduisant à l’énergie électrique seule désirée. Dans ce cas de figure, et bien mieux encore si l’on multiplie les réacteurs de moindre puissance pour les installer à proximité des villes, la chaleur non transformée, au lieu d’être dispersée dans l’environnement aérien ou marin, pourrait être canalisée vers les réseaux de distribution de chauffage urbain. Est-il besoin de souligner les gains d’énergie ainsi possibles, à une époque où elle est de plus en plus chère et taxée. N’oublions pas non plus les économies réalisables du côté même du transport...

 

Les réactions nucléaires assurant la genèse de l’énergie thermique

Parlons tout d’abord de leur démarrage. On peut évidemment avoir recours à du fluorure de plutonium ou du tétrafluorure d’uranium 235, sous-produits du « nucléaire à l’uranium », mais ce n’est pas pour autant que les RSF en dépendent, car il peut être aisément fait appel à d’autres processus pour provoquer le bombardement neutronique initial indispensable.

Capteur de neutrons, le thorium (ou 232th) se mute en 233th, lequel évolue en protactinium 233, lequel évolue de même en uranium 233 qui est fissile et entretient la réaction de divergence. Une petite proportion du 233PA évolue en uranium 232, dont la filiation comporte des émetteurs gamma dangereux, mais avec des durées d’extinction relativement courtes, nous l’avons déjà dit.
D’autres atomes produits de fission, dangereux ou capteurs de neutrons apparaissent en très grand nombre, et il faut les extraire (par voie chimique) en continu du milieu réactif, ce qui se fait selon des procédures automatisées. L’uranium 233 ne peut être extrait isolément de l’uranium 232, ce qui interdit son emploi pour la constitution d’une arme de destruction massive par exemple...

 

En résumé, les « RSF »...

Sont donc une filière spécifiquement civile, aux multiples avantages cumulés, tant au plan de l’exploitation pratique à tous égards, qu’au plan économique, le thorium étant quatre fois plus abondant que l’uranium et beaucoup moins cher. Le régime de croisière de ces réacteurs est, répétons-le, facilement modulable en fonction de la demande énergétique extérieure, les retraitements de type La Hague exclus, la quantité de leurs déchets minimisée, et la durée de leur vie limitée à environ cent ans. Quant au rendement thermodynamique de la transformation de la chaleur en énergie électrique, il est quasi- insurpassable du fait même de leur conception.

Alors, leur adoption généralisée pourrait donc être résolument souhaitable au plus tôt, elle ferait cesser l’épuisement éhonté et aberrant de l’uranium actuel utilisé pour le seul uranium 235 qu’il contient, alors que le recours généralisé aux RSF de thorium, serait la voie royale de la résolution des problèmes énergétiques du genre humain pour peut-être des millions d’années.

Nécessité faisant toujours loi, verrons-nous les pays dits émergents en prendre conscience, ce qui aurait peut-être pour conséquence d’isoler économiquement, à terme, un Occident parfois irresponsable ?...

 

Henri Durrenbach

 

Références : professeurs Alfred Lecoq, Kasuo Furukawa, Marcel Macaire, le Los Alamos National Laboratory, V.A. Simonenco, les chercheurs (jusqu’en 1975) de l’ORNL (Oak Ridge National Laboratory).

Photos :
- centrale Oak Ridge aux USA
- Centrale de Flamanville dans la Manche (EPR 3e génération)

 

 

Les principes de fonctionnement des RSF

 

La figure qui nous sert d’illustration est un simple schéma, non un plan, aucune échelle n’y étant respectée, « MSR » étant la transposition en anglais de RSF.

 

 

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Le circuit primaire

Le circuit primaire, fortement radioactif, contient tout le sel combustible de l’installation, placé dans une cuve en alliage particulier à base de nickel. Le sel combustible fondu est forcé par une pompe de circulation à travers des barres creuses de graphite (ralentisseur des neutrons) de 10 cm de large qu’il parcourt de bas en haut, mais la pression interne, due à la viscosité du mélange de fluorures fondus qui constitue le milieu réactif, n’est cependant que de 3 à 4 bars, grâce à des fluorures additifs permettant précisément de la limiter. Au dessus de la cuve, une barre de contrôle régule le régime des fissions selon sa position ; en dessous de la cuve, un réservoir de vidange, dont l’accès est commandé par un bouchon de sel solide pouvant être rapidement reliquéfié, accueille en cas d’urgence le contenu de la cuve, lequel n’est plus alors en situation de diverger. Les parois de la cuve sont protégées des chocs neutroniques par d’épaisses couvertures de graphite.

 

Le circuit secondaire

En pleine zone de haute radioactivité, le circuit secondaire a pour rôle de transférer la chaleur au circuit vapeur, sans transferts de matières radioactives. Le fluide caloporteur est un mélange de fluorure et de fluoborate de sodium, compatible en faibles proportions avec les fluorures réactifs... et avec l’eau ! Comme dans le nucléaire type EPR, la mise en œuvre d’échangeurs de très haute efficacité technologique est primordiale.

 

Le circuit vapeur

Eloigné de toute radioactivité, le générateur de vapeur produit de la vapeur surchauffée à 538°. Le rendement thermodynamique (de Carnot) de l’ensemble turbines- générateurs d’électricité est de 44%.

 

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