Entre or noir et Cac 40
En fait, on a très vite tout balancé dans le même panier : la crise immobilière, la déroute financière, le prix du pétrole, le CO², et pour faire bon poids, le luxe, le confort et notre mode de vie au bout du compte ! Bien sûr, certains en ont profité pour récupérer politiquement les problèmes économiques en se jetant à bras raccourcis sur l’automobile par le biais de la chasse au CO². Et ma foi, le tour de passe-passe a plutôt bien réussi, certains n’ont rien vu venir (ou voulu voir venir), rien compris, et ce n’est pas un lapin qui est sorti du chapeau, mais Guignol avec son énorme gourdin : pan ! Et re-pan ! Nul besoin de bornoyer, tous les coups portent.
Le premier fut porté par le Grenelle de l’Environnement, et déjà il y a un an on sentait des relents de crise sous le capot. Deuxième coup avec l’augmentation vertigineuse en quelques mois du prix des carburants, et ce jusqu’à l’été 2008… et coup de grâce avec la « crise financière » qui a bien failli mettre tout le monde à poil à l’automne dernier, au moment où tout le système bancaire menaçait de faillite. Et ce coup de trop aura été fatal à l’automobile : comme on risque de perdre son emploi on ne consomme plus, au mieux on achète de petites autos pas chères et sous-équipées, ce qui a vite mis les équipementiers (sous-traitants) dans le rouge. Finalement, ne pas consommer est le plus sûr moyen de se retrouver au chômage ! Mais qui l’a expliqué aux Français ? Personne !
Et au milieu de cette ode au pessimisme, on tente de faire passer le courant de la voiture électrique qui serait, au milieu de ce marasme, la solution pour la crise de l’automobile. Rien de moins. Ce qui, vous en conviendrez, n’a rien à voir avec la crise financière, il s’agit uniquement d’un serpent de mer qu’il faudra bien un jour se décider à ramener à quai, histoire de voir comment il pourrait remplacer essence et gasoil. Solution alternative parmi d’autres qui a le mérite d’exister et de fonctionner, mais rappelons-le, pas encore dans les mêmes conditions qu’un moteur thermique classique.
La voiture électrique est-elle une véritable alternative ou un complément, voilà la question ?
Dans ce dossier, nous allons faire le point sur une partie de l’offre existante, sur l’évolution du produit et ses chances à moyen terme de prendre des parts de marché conséquentes au tout pétrole. A moyen terme seulement, car il faut se méfier des effets d’annonce des responsables politiques qui ont déjà enclenché la manette des « gaz » à fond les batteries… pour faire en gros 100 km avant recharge. Car le problème majeur est récurant : quelle autonomie sera satisfaisante, tout comme le temps de recharge des batteries ?... Chez BetterPlace, qui collabore avec Renault pour l’électricité, on explique qu’avec 1.000 stations de recharge le long des grands axes, on solutionne le problème. Pourquoi pas, d’autant que le coût d’installation de ces relais-recharge correspondrait à seulement trois jours de consommation de pétrole. Mais si tout était si simple…
Des solutions déjà sur la route
Entre 1995 et 2005, PSA a vendu quelque 10.000 autos électriques. Voilà du concret, mais cela ne fait qu’à peine une centaine de véhicules par mois. Et vendus à qui ? A des collectivités et des administrations, le public ayant toujours boudé ce type d’auto eu égard à sa faible autonomie, son coût à l’achat, et aussi son manque d’attrait côté ligne. Il faut le reconnaître, rouler électrique n’était pas très sexy… Et on n’a guère évolué depuis. C’est surtout le mode hybride qui a connu le premier un véritable succès façon Toyota Prius, Honda Insight, Lexus RX400… et bientôt une Peugeot 3008. Le client s’y retrouve, il a une « vraie » voiture principale, de l’autonomie (grâce au moteur essence accouplé au moteur électrique), et bien sûr des primes à l’achat.
Au bout de la prise, on le sait, pour le tout électrique il y a enfin des projets aboutis : la Blue Car de Bolloré, I-Miev, solution présentée par Mitsubishi avec une auto à la bouille sympa, offrant 160 km d’autonomie avec une recharge à 80% en 30 minutes (mais sur une prise de recharge rapide ou 7 heures sur le 220 !), nous évoquons encore dans ce dossier C-Zen du Lyonnais Courb, et Friendly d’Heuliez, mais qui sont des 2e ou 3e voitures d’un foyer… il y a aussi des autos d’usage quotidien pour toute la famille comme l’Opel Ampera ou la Chevrolet Volt, voire la prochaine Fluence de Renault, alternatives 100% électriques quasi prêtes à être commercialisées. Il reste à connaître les coûts d’achat et de fonctionnement puisqu’on nous parle ici et là, d’abonnements de 100 à 150 € par mois pour assurer les recharges des batteries (il faudra bien payer le pétrole qu’on ne consommera plus !).
150 €, c’est environ 3.000 km par mois avec une voiture fonctionnant au gasoil (environ 5 l/100 km), soit 36.000 km par an. Qui fait 36.000 km par an ? Chez Renault, on dit que c’est rentable à condition de rouler 12.000 km/an. Alors faites vos comptes ! Et les Français aimeraient bien les faire. Dans une enquête, 71% d’entre eux nous disent être disposés à acheter une voiture électrique… mais dans une autre enquête, 3% seulement avouent que leur prochain achat automobile sera un véhicule électrique (sondage AutoEvolution octobre 2009). Un drôle de flou !
Sur le 220
D’après « Going Electric », association européenne pour les véhicules électriques à batterie, association ou lobby prônant le mode électrique auprès des élus de Bruxelles, jusqu’à 25% de l’ensemble du parc auto fonctionnant à l’électricité, il n’y aurait pas besoin d’infrastructures nouvelles de production d’électricité. Peut-être, mais comment produit-on cette électricité, avec des centrales nucléaires, des centrales à charbon ou des éoliennes ? Et lorsqu’on sera à 50% du parc auto - ce que veulent nos élus -, comment fera-t-on ? Et que deviennent les batteries en fin de vie ?
« Lobby » disais-je, car il y a dans certaines propositions de « Going Electric » des incitations pas toujours très démocratiques comme les réductions d’impôts en cas d’achat d’une auto électrique (ce qui n’a rien à voir avec une prime à l’achat), ou des hausses d’impôt pour les familles détenant plus d’une voiture à combustion, sans parler de subsides à l’achat pouvant aller jusqu’à 60% du prix, de la possibilité d’emprunter les voies de bus ou de bénéficier de la gratuité dans les parkings publics. Ce n’est plus de l’économie, c’est du militantisme. Doit-on marchander à ce point la responsabilité collective ? C’est étonnant. On ne peut être que d’accord pour réduire la consommation d’énergies fossiles et la pollution urbaine, mais ne faisons pas n’importe quoi pour y parvenir.
Production d’électricité, problèmes de recharge rapide des batteries (ou stations d’échange), autonomie des véhicules, coût à l’achat et au fonctionnement, rien n’est encore aujourd’hui précis, on sait que des solutions sont quasiment sur la route, mais à l’heure actuelle, on ne peut prétendre remplacer à 100% le confort d’utilisation d’une automobile fonctionnant avec un moteur essence ou diesel, et ce dans le cadre d’une utilisation pouvant emmener cinq personnes et leurs bagages, n’importe quand et n’importe où (c’est là aussi l’utilité du 4X4 que l’on a peut-être un peu vite remisé au musée des bonnes idées !). On a parlé de solutions appelées Opel Ampera et Chevrolet Volt : on attend.
Enfin, pour revenir à l’engagement de nos élus sur ce mode alternatif - qu’ils ont déjà choisi sans savoir s’il y a une quelconque faisabilité à grande échelle et pour tous les publics -, on peut parler d’hypocrisie : savez-vous que Toyota a proposé de mettre des PRIUS gratuitement à disposition des éminences du Parlement, Président, les nombreux Vice-Présidents, Questeurs. Ils ont tous préféré garder leurs bonnes 607, Vel Satis et C6, sauf le Premier Questeur.
Une fois encore, c’est la France d’en bas qui est priée de donner l’exemple, et même s’il faudra rouler à quatre dans une auto de 2,20 mètres sans porte ni toit, et ce à 60 km/h durant 85 km… sans oublier de recharger toute la nuit pour pouvoir repartir le lendemain.
LE CHRONIQUEUR
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