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Barbizon et l’impressionnisme en toile de fond

15/03/2010
La cognée sur l’épaule, le bûcheron rentrait de sa journée de coupe en forêt, évitant grossièrement la rigole qui serpentait au milieu de l’unique rue non pavée qui devenait vite un bourbier lors de fortes pluies. Ce bûcheron, racontant sa journée de labeur au bistrot de Chailly telle qu’il l’avait vécue, faisait de l’impressionnisme sans le savoir…
En ce début de 19e siècle, la Grande Rue de Barbizon, hameau de Chailly-en-Bière, était bordée de modestes chaumières et autres maisons de grès. On ne trouvait ici que des paysans et des bûcherons. Le hameau, qui a toujours été loin de tout, déjà à l’écart de la grande voie romaine qui reliait la Méditerranée au Nord du pays, ne connut qu’à peine les vicissitudes dues à la guerre avec les Prussiens en 1870. Loin de tout. Même de Paris à 50 kilomètres d’ici, mais tout proche des 25.000 hectares de la forêt de Fontainebleau. Une vie simple avec des gens pauvres dont la seule distraction était le cabaret de Chailly. Mais le destin allait changer les choses…

L’âge d’or de 1838 à 1875
En 808, sur des capitulaires de Charlemagne, le nom de Barbitio apparaît. Pour retrouver Barbizon, il faudra attendre 1487, on sera alors passés de Barbiron à Barbryson. Historiquement, la région était le rendez-vous de chasse des grands du royaume, au 12e siècle Philippe-Auguste pratiquait ce divertissement en forêt de Fontainebleau, tout comme Louis XVI quelques siècles plus tard viendra y traquer le sanglier… rencontrant parfois, dit-on, le peintre Lazare Bruandet qui s’y cachait et qui sera rejoint par un confrère, Jean-François Swebach. Ils seront les premiers artistes à fréquenter la forêt. Mais pas les derniers. Car c’est la nature et le refus des conventions parisiennes qui vont pousser nombre d’artistes à venir se réfugier au Sud de la capitale. Corot arrive à Chailly-en-Bière dès 1822, il sera suivi par Lantara, D’Aligny, les précurseurs de cette fameuse « Ecole de Barbizon ».
Mais ce sont les événements parisiens de 1848 et l’épidémie de choléra qui enverront à Barbizon les peintres, souvent en famille, le hameau de bûcherons deviendra alors un lieu mythique du pré-impressionnisme. L’inspiration tirée de la nature environnante sera fructueuse : Corot, Rousseau, Millet, Daubigny, Lavieille, Diaz de la Pena, Barrye (sculpteur), Breton… en tout une soixantaine de peintres seront intégrés à ce qu’un journaliste anglais appellera en 1890 « l’Ecole de Barbizon ». En fait, l’âge d’or de la peinture à Barbizon est répertorié entre 1838 et 1875.


Depuis l’Auberge Ganne…
Le couple Ganne ouvre une épicerie qui deviendra vite une auberge. Des peintres passent par ce modeste établissement (devenu musée et dont les registres d’époque ont été conservés), mais également des écrivains comme les frères Goncourt, des poètes comme Mallarmé, ou encore des sculpteurs.
A Barbizon, deux peintres feront figure d’emblèmes liés à la naissance du mouvement impressionniste, deux peintres ayant fui les rigueurs du style parisien trop convenu à leurs yeux : Jean-François Millet, qui arrive avec une réputation de portraitiste, le peintre des travaux des champs, et Théodore Rousseau, celui des clairières. Souvent considérés comme inséparables dans la vie, ils sont tous deux, côte à côte, inhumés au cimetière de Chailly.
Après Millet et Rousseau, Monet et Sisley se découvriront une passion pour cette nature élégante et sobre. Le célèbre « déjeuner sur l’herbe » de Claude Monet a été peint à Chailly en 1866.


… à la commune de Barbizon
Mais le temps passe, et l’Ecole de Barbizon laisse la place aux premières célébrités attirées par le prestige de ce hameau : Stevenson écrira durant son séjour à l’hôtel Siron (l’actuel Bas-Bréau). A partir de la fin du 19e siècle, des écrivains, des musiciens, des philosophes, des poètes feront le voyage en forêt : Verlaine, Baudelaire, Saint-Saëns, Appolinaire, George Sand, puis plus tard Jean Cocteau, Fernandel, ou encore Trotsky, en 1933 et 1934, qu’on appellera « le barbichu de Barbizon ». On verra même au Bas Bréau l’empereur du Japon Hiro-Hito, Elisabeth II d’Angleterre, le roi des Belges, Charlie Chaplin, et même Mitterrand, Kohl et Thatcher lors d’un sommet européen en 1986. Si Barbizon est toujours en dehors de la voie romaine, l’A6 passe tout près !

Depuis la grande époque des impressionnistes, quelques innovations ont changé la vie du hameau.
D’abord, le 26 mars 1899, le train arrive à Barbizon : bruit de ferraille que le tacot émet en parcourant la Grande Rue avec en prime une cloche qui réveillait les retardataires du jour, fumée abominable qui couvrait le village d’un nuage blanchâtre… la ligne Melun-Barbizon a permis d’amener dans ce village de Seine et Marne des dizaines de milliers de visiteurs à la recherche d’air pur et de calme aux portes de la capitale. Cette ligne sera définitivement interrompue en septembre 1938. L’autre fait notoire, c’est le détachement de Barbizon de Chailly en Bière en 1903 avec comme corollaire la création de la commune de Barbizon.
Enfin, en 1981, l’Etat crée le Musée de l’Ecole de Barbizon, il trouvera refuge dans un premier temps à la maison-atelier de Rousseau, puis en 1987 à l’Auberge Ganne achetée par la municipalité.
Située par l’A6 à environ 3h30 de Lyon, Barbizon est à la fois une destination culturelle intéressante, et peut-être également le point de départ d’une découverte de la région de Fontainebleau.
A noter encore que Chailly en Bière fut célèbre dans les années 50 car on y découvrit du pétrole. Mais de la trentaine de puits de l’époque il ne reste qu’un champ de betteraves.

 

PRATIQUE
Lyon-Barbizon, environ 450 km par l’A6, sortie Milly la Forêt/Barbizon (juste après le péage).
Office du tourisme 01 60 66 41 87 ou www.barbizon-tourisme.com
Musée de l’Ecole de Barbizon Auberge Ganne, 92 Grande Rue (01 60 66 22 27)
Maison-atelier Millet 27 Grande Rue (01 60 66 21 55)

Quelques hôtels :
Bas-Bréau 22 Grande Rue (01 60 66 40 05), attention 4 étoiles avec tarifs qui vont avec, Les Pléiades, 21 Grande Rue (01 60 66 40 25), La Clé d’Or, 73 Grande Rue (01 60 66 40 96).

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