Du soleil à la dynamo
Si le premier éclairage public est bien sûr le soleil, il est indéniable que son avantage premier, la gratuité, a un adversaire implacable, il est fermé la nuit ! Mais l’homme a toujours une invention d’avance sur la nature. Ainsi, 20.000 ans avant J.C, les hommes des cavernes passaient leurs soirées en famille éclairés par les premières lampes à huile. Une lampe qui va perdurer jusqu’au 18e siècle, lampe à huile de paraffine tirée de la houille, avant de passer à la lampe à pétrole ou à l’éclairage au gaz… à tous les étages. Evidemment, on ne peut ignorer la bougie, d’abord de cire, mais trop chère pour éclairer les pauvres, qui eux profiteront de la bougie stéarique, bon marché, à partir du milieu du 19e siècle.
Il faut le savoir, l’éclairage public n’est pas une si vieille affaire. Au Moyen-Âge, l’obscurité était totale à la tombée de la nuit. Il faut attendre le 17e siècle pour y voir « un peu plus clair » dans les rues de Paris, rues qui bénéficieront de l’éclairage au gaz à partir du 19e siècle. Pour la suite, nous attendrons l’invention de la dynamo, nous la devons à un ouvrier belge, monsieur Gramme.
Mais revenons à Michel-Villaz…
De condition modeste, il est né en 1843 à Tullins en Isère. Autodidacte passionné de lecture et de mécanique, il exerce le métier d’artisan-mécanicien et possède à Sillans dans les années 1870, une entreprise de battage. Mais c’est par sa belle-famille (qui l’incite à changer de métier) qu’il arrive à Beaurepaire.
Déjà, à l’époque, il est fasciné par l’électricité et les lampes à arc alimentées par des dynamos et qui éclairent notamment les usines : « Cela était merveilleux, cela était tout nouveau, presque expérimental. En tout cas, cela m’avait paru très simple » écrira-t-il plus tard. Il faut dire que l’Exposition Internationale d’Electricité qui s’est tenue à Paris en 1881 servit alors de tremplin pour faire connaître quelques inventeurs du moment, comme Edison qui présenta sa lampe à incandescence.
Fabriquer de l’électricité, transporter l’électricité par des conducteurs posés le long des murs des maisons et sur de longues distances, voilà le défi que Louis Michel-Villaz va relever. Et comme il n’y a pas de rivière avec un débit suffisant à Beaurepaire, c’est avec une machine de battage à vapeur et une dynamo que la lumière brillera !
Le premierplan lumière
En 1989, le maire de Lyon, Michel Noir, lançait le premier plan lumière, initiative qui sera reprise par de nombreuses villes parce qu’associant la lumière au patrimoine.
Un siècle auparavant, en 1883, pas très loin de Lyon, à Beaurepaire en Isère, Michel-Villaz éclaire quelques rues avec des lampes à arc. Et même si ses détracteurs le traitent « d’illuminé » (quel symbole !), l’inventeur tient bon. Il écrit à Edison afin d’obtenir l’avis du « maître » sur certains détails ; non seulement Edison répond (ce que ne feront pas d’autres pionniers du genre comme Siemens), mais il lui fait parvenir quelques échantillons de ses lampes. Une bonne publicité si l’affaire tourne bien ! De plus, sa collaboration avec un certain Bietrix, mécanicien qui a réalisé à Saint-Etienne une dynamo performante pour éclairer des mines, sera fructueuse. En trois ans, le système sera considérablement amélioré et aboutira à la signature d’une concession de dix ans avec la ville de Beaurepaire pour l’éclairage public et privé le 20 mai 1886… et au lancement de l’opération dès le 14 juillet suivant en présence du Préfet de l’Isère.
Quant au matériel utilisé à ce moment-là, il comprenait une machine à vapeur Brenier de 15 chevaux (150 tr/mn), et une dynamo de la maison Bietrix à 4 pôles de 110 volts.
Certes il y aura bien eu quelques difficultés techniques comme planter des poteaux à travers les champs, poser les conducteurs le long des maisons… et surtout braver les oppositions à ce courant nouveau qui allait jusqu’à faire tourner le lait des vaches ! mais le tout premier réseau (8,5 km) d’éclairage public et privé était né en France (le système durera jusqu’en 1902). Après Beaurepaire, ce sont d’autres communes du département qui bénéficieront de cet éclairage, Claix, le Grand Lemps, puis Grenoble, et ce six ans avant Paris. Adieu lampes à huile et à pétrole, adieu réverbères à gaz.
Par la suite, son fils créera la SHED, Société HydroElectrique de la Durance, entreprise qui sera en activité jusqu’à la création d’EDF.
Louis Michel-Villaz décèdera en 1911 et sera inhumé au cimetière de Beaurepaire. Dans sa ville d’adoption, on peut aujourd’hui voir une fresque à l’une des entrées de la commune qui retrace cette épopée, et une avenue porte son nom, avenue où se trouve son buste que l’on doit au sculpteur lyonnais Francisque Lapandery (connu pour son monument aux Frères Lumière… ça ne s’invente pas !).
A noter encore une biographie de Louis Michel-Villaz écrite par Nicole Collion (chez Locatelli imprimeur à Grenoble).
LE CHRONIQUEUR
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