De Gaulle président et les WC sur le palier
Un demi-siècle dans le rétroviseur et en même temps deux visions de notre pays et de notre société, l’une qui peut paraître lointaine, obsolète ou désuète, synonyme d’une nation qui ne sait pas encore grand-chose de la modernité avec laquelle elle a rendez-vous, et l’autre qui fait déjà partie de notre système environnemental socio-économique.
1960, le général De Gaulle est Président depuis un an, le Marché Commun fait ses premiers pas, et si ça frémit côté modernité il ne faut rien exagérer car les hommes au pouvoir sont nés au début du siècle, voire à la fin du 19e siècle. La France de 1960 était celle où les ouvriers étaient majoritaires (le Parti Communiste réalisait alors ses meilleurs scores au-delà des 20% !), il faut dire qu’à cette époque on fabriquait encore presque tout. Six millions de Français travaillaient dans le secteur de l’agriculture (il n’en reste qu’environ 500.000 aujourd’hui).
Et quand on se plaint de notre pouvoir d’achat et de notre qualité de vie, il serait intéressant de demander à nos parent et grands parents leur avis sur le quotidien de 1960. Bien sûr, le pays était en mutation, le CERN mettait en service le premier synchrotron à proton, le France s’apprétait à filer ses nœuds vers le Nouveau Monde, le tunnel sous le Mont-Blanc voyait le bout (du tunnel !), et les premiers tronçons d’autoroute étaient quasi goudronnés. Mais dans le même temps, nombre de bidonvilles et baraquements occupaient nos villes. 38% des logements n’avaient pas l’eau courante, 73% n’avaient pas de WC, et 90% aucune salle de bain. C’est aussi ça la France de 1960. Ce n’est pas Zola, c’est déjà l’époque de Johnny Hallyday !
Ce sont les fameuses ZUP qui amèneront souvent le confort à la maison. On en créera dans toute la France entre 1960 et 1967, nous connaissons les principales de notre région, Vénissieux et ses Minguettes, Vaulx-en-Velin, Vernaison… Tout ira vite, très vite, dès 1962, 25% des logements sont équipés de sanitaires.
La vie quotidienne en 1960
Il y a pile 50 ans, un tiers des dépenses des ménages était consacré à l’alimentation (contre 18% aujourd’hui). Il n’y avait pas encore de grandes surfaces, et le choix restait sommaire entre quelques marques de pâtes, de conserves, de biscuits et de chocolats. Surgelés et plats cuisinés n’étaient pas sur les tables des Français. Côté habillement, les ménages consacraient à ce poste environ 20% de leur budget (5% en 2008), les textiles étaient de qualité médiocre, les coloris fadasses, on dépensait plus pour s’habiller… mais on achetait beaucoup moins. Par contre, en 1960, le loyer ne représentait en moyenne que 10% du budget des ménages, ce qui n’est plus le cas, on le sait.
Au fait, combien de ménagères de 2010 accepteraient de laver le linge dans une lessiveuse (seulement 20% des foyers sont équipés d’une machine à laver) ? Pas de lave-vaisselle, pas de micro-ondes, rarement le chauffage central et souvent une cuisinière à charbon, seulement 20% de taux d’équipement en frigo et 10% en télévision, en noir et blanc avec des programmes de 18h à 23h, puis la mire !
Côté automobile, 30% des ménages roulent carrosse (petit carrosse !), le nombre de voitures particulières sera multiplié par dix en cinquante ans, passant de 3 à 30 millions. Il faut dire que posséder une voiture coûte cher : 550.000 francs pour une Dauphine, soit 3.400 heures de travail d’un smicard (salaire horaire de 1,60 frs). A titre comparatif, pour s’acheter une auto de 10.000 euros (une Twingo par exemple), il faut 1148 heures de Smic, soit trois fois moins de temps.
Le monde bouge
Au moment où nos ex-colonies deviennent indépendantes, les frontières économiques de la vieille Europe commencent à s’ouvrir. Un monde est en train de disparaître, un autre est en construction, même si la menace d’une troisième guerre mondiale commence à poindre avec la Guerre Froide, nous ne sommes qu’à un an de l’édification du Mur de Berlin.
Si nous ne sommes pas en période flamboyante côté économie, il faut savoir que celle-ci produit en 2010 environ 4,5 fois plus de richesses que celle de 1960, et ce avec une augmentation de la population de près de 40%. En clair, 2% de croissance en 2010 c’est 35 milliards d’euros supplémentaires au PIB, alors que 6% de croissance en 1960 n’apportaient que 20 milliards de plus au PIB (en euros constants). Et il faut se rendre compte que l’on a créé depuis le début des années 2000 en moyenne en France deux fois plus d’emplois chaque année qu’au cours des années 60, pourtant inscrites aux Trente Glorieuses ! Et pour rester positif, ajoutons une dernière prévision : le niveau de vie des Français qui naissent aujourd’hui sera 4,7 fois plus important si la croissance des 90 prochaines années est en moyenne de 1,66%, et 8,5 fois plus important si cette moyenne est de 2,3%. Ce qui ne les empêchera pas de se plaindre en 2100 !
Les repères de l’année 1960
L’année commence chez nous avec le Nouveau Franc et se termine aux Etats-Unis avec l’élection de Kennedy. Entre les deux, la France fera exploser sa première bombe atomique dans le Sahara le 12 février, sortira sa Peugeot 404 et lancera à Saint-Nazaire le France.
Le monde bouge : création de l’OCDE le 23 juillet, coup de chaussure de Krouchtchev à l’ONU, et lancement du programme Apollo.
1960, c’est aussi la mort d’Albert Camus, le premier 45 tours de Johnny Hallyday, la sortie du film « A bout de souffle » de Jean-Luc Godard, le premier numéro du magazine Hara-Kiri, la mort de Fausto Coppi et la victoire de Nencini au Tour de France. Enfin, accessoirement, l’ouverture à Charenton du premier bowling de France.
LE CHRONIQUEUR
Les Commentaires