« Tout enfant est génial. La première atteinte à sa génialité se produit lorsqu’il va à l’école ; je n’étais pas encore allé à l’école que j’avais déjà l’impression que c’était quelque chose de désagréable. » Ernst Jünger écrivit ces mots avec le recul nécessaire, jugez-en, il avait quatre-vingt-dix ans. Depuis toujours, pour lui, l’école était l’incarnation des contraintes liées à la société. Une incarnation néfaste.
Issu d’un milieu bourgeois, héros de la Grande Guerre, nationaliste durant les années 30 mais qui refusera de s’engager avec le régime nazi, Jünger reste pour les Allemands un témoin unique du 20ème siècle, même s’il a autant d’admirateurs que de détracteurs. Toute l’ambiguïté germanique…
La déclaration de guerre et l’ordre de mobilisation du 1er août 1914 seront pour ce jeune homme qui prépare son bachot, un grand jour, car le jeune bourgeois fut nourri de propagande militariste, contrairement aux hommes de condition modeste qui devaient abandonner famille et travail pour un devoir qu’ils ne percevaient pas exactement. Jünger sera volontaire pour le combat, et il y trouvera en partie ce qu’il en attendait.
Sa vie sera bien sûr consacrée à l’écriture, tout en restant un témoin attentif de la chose politique. Voici ce qu’il écrivit en 1972 : « Il me saute aux yeux que les partis commencent à se ressembler de telle façon qu’il leur devient toujours plus difficile de se distinguer les uns des autres de manière crédible. Tous veulent la démocratie, la stabilité, le progrès (deux termes incompatibles) ; tous veulent être de gauche, avec des nuances minimes. » Ajoutant, dix-sept ans avant la chute du Mur, « Russes et Américains se ressemblent de plus en plus »… Un sacré regard sur les hommes et sur le temps présent.
LE CHRONIQUEUR
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