1941, J.D.Salinger a vingt-et-un ans, il habite encore chez ses parents, il est grand, beau,bien habillé, il s’est entraîné à fumer comme Bogart et on le laisse entrer parfois au Stork Club, l’endroit le plus fermé de New-York. Il y croise Truman Capote et les Trois cygnes, « post-flappers et pré-féministes », le Trio des Héritières, les premières it-girls du monde occidental : Gloria Vanderbilt, Carol Marcus et surtout Oona O’Neill, la fille du célèbre dramaturge, aussi célèbre que mauvais père. Oona est la plus timide, la plus douée. Elle ne semble pas savoir qu’elle est belle alors qu’elle est fascinante, « unique » comme le signifie son nom en gaëlique. Elle n’a que quinze ans, avec son visage d’ange, ses pommettes hautes, ses fossettes mutines, ses yeux de biche effarouchée, c’est la nouvelle Zelda, elle sera la Glamour Girl de cette année-là. Elle a tout New-York à ses pieds, lui commence à vendre des nouvelles. Il veut « écrire le Grand Roman Américain ». Elle rêve de devenir actrice. Salinger est possessif, mégalomane, irritable. Elle ne sait pas aimer, mais veut bien se laisser aimer. Et bientôt se lassera de ce chevalier servant trop exclusif, de cet écrivain ombrageux. Alors Salinger choisira de s’engager, espérant rehausser son prestige auprès d’elle, effacer « sa part de complexe social chez le fils d’un Juif importateur de fromage épris de la fille d’un des auteurs les plus célèbres de son pays ». Il fera la guerre en France, en Allemagne et en reviendra « mort-vivant ». Elle partira à Los Angeles et trouvera un consolateur en la personne de Charlie Chaplin, beaucoup plus âgé qu'elle. Elle sera très heureuse et aura beaucoup d’enfants.
Une histoire méconnue dont Beigbeider a fait un beau livre.
LE CHRONIQUEUR
Les Commentaires