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La France entre baignades et assistanat ?

05/07/2010
A quoi bon ? A quoi bon réfléchir, vouloir réformer, se bouger le popotin et sortir du blutoir le meilleur de la synthèse ? Les Français veulent des baignades et de l’assistanat. Bien sûr, le ton est provocateur, mais enfin, quand tous les observateurs prédisent à plus ou moins brève échéance la faillite de notre système de retraites si rien ne change très vite, les Français répondent à 58% (sondage mi-avril) qu’il ne faut pas toucher à la retraite à 60 ans, c’est un acquis. Et un de plus qu’on va traîner jusqu’à ce qu’on ne soit plus que les valets de chambre des Chinois et des Indiens qui viendront nous visiter, un peu comme on va au zoo d’ExceptionLand.

De la théorie de l’égoïsme
Mais comment peut-on être aussi stupide, aussi égoïste, car il ne s’agit que de ça : moi d’abord, mon confort avant tout. Ou alors, c’est de l’autisme.
Qui va payer les déficits colossaux annoncés des caisses de retraite ? Les assistés d’aujourd’hui et les salariés à 1.100 €, le loto ? En augmentant les cotisations retraites des parlementaires nous dit-on.
Oui, 5 millions d’euros en plus alors qu’il faut 50 milliards. On se moque de qui ? Aujourd’hui, on discutaille afin de définir l’âge de la retraite : 60, 61 ou 62 ans dans le pire des cas ? Foutaise ! Il faut avoir le courage de dire que ce sera 65 ans dans un premier temps (comme d’ailleurs tout le reste de l’Europe), voire davantage si nécessaire. C’est comme ça, et tout le monde sait pertinemment (sauf semble-t-il les Français) qu’on n’en sortira pas autrement.
Et tout est à l’avenant. On s’époumone quand les maires augmentent les impôts locaux de 5 à 10% chaque année, mais on n’arrête jamais d’en demander toujours plus à la mairie, au Conseil Général, à l’Etat. « Mais demandez donc aux autres de payer, moi je n’ai pas les moyens ! »

Peut-on être élu en disant la vérité sur l’état de la France ?
Y’a peu de chances ! Comment expliquer à des électeurs (donc des Français) que notre dette et notre déficit sont insoutenables, que la prochaine génération sera une génération sacrifiée parce que les citoyens d’aujourd’hui ont peur de tout, même de leur ombre ? Martine Aubry veut nous vendre « le bien-être » et « l’écoute des autres » aux prochaines présidentielles. Qu’elle ne change rien, entre baignades et assistanat elle a trouvé le bon ton, le compte y est. Et si en plus il fait beau en mai 2012, elle est certaine d’être élue. La France sera rassurée, elle pourra plier les gaules entre 50 et 58 ans, partir en camping-car et s’abonner pour une quarantaine d’année à des revues des 3e, 4e et 5e âges. Il faut juste rappeler aux heureux bénéficiaires de ce régime unique au monde de mettre beaucoup de sous de côté car les caisses de retraites auront toutes déposé les armes, comme la Sécu et tout le fourbi qui va avec. Les stakhanovistes des loisirs vont déchanter…

Acquis ? A eux !
Et si au lieu de parler d’acquis on parlait de ce qu’on a les moyens de payer ? Car ces acquis plombent souvent les comptes de la Nation, et à tous les niveaux, qu’il s’agisse des effectifs pléthoriques des collectivités territoriales, des retraites, des RTT, des subventions distribuées à la carte.
Tiens, nuage islandais oblige, j’ai entendu au plus fort du néant dans le trafic aérien, des jeunes du Val d’Oise genre banlieue difficile, exprimer leur dépit de se retrouver coincés à New York après un séjour de vacances de Pâques : « C’est trop la galère ! » disait l’un d’eux. Nuage de cendres ou pas, je note au passage qu’il faut envoyer des jeunes en vacances à New York afin qu’il puissent s’épanouir. Qui a payé le voyage ? A mon époque, le voyage scolaire se limitait à une journée au Parc de la Tête d’Or à Lyon, au mieux à Vaison La Romaine. Et on trouvait ça super, mais sûrement pas « trop la galère ! ».
L’argent que l’on n’a pas coule à flots. Alors c’est que tout va bien répondent en chœur les chantres de l’immobilisme, de l’acquis et des règles édictées par le Conseil National de la Résistance il y a plus de 60 ans. Et c’est vrai que le monde n’a pas changé depuis.

Peut-on être élu en disant la vérité sur l’état de la France ?
Bien sûr non, car la France ne veut rien savoir sur son état réel. La France veut aller se baigner, boire un café en terrasse trois fois par jour et au soleil, voir un film, et un autre, et pourquoi pas à 11 heures le matin, elle veut partir en week-end et le prochain aussi, et en vacances trois à quatre fois dans l’année, la France veut des jeux idiots à la télé, du foot le matin, l’après-midi et le soir, des coupes et des coupes de foot et de rugby, du foot et des pizzas, elle veut qu’on la rassure, qu’on lui dise qu’elle n’a aucune maladie au moins une fois par mois, ou alors juste un petit stress au boulot ou une déprime et 30 jours d’arrêt maladie.
La France a besoin de grands hommes (et femmes) pour la diriger, des gens qui en imposent, qui n’ont jamais rien fait pour que le pays évolue mais qui ont distribué des jours de congé et des vacances, et des baignades. La France va s’arrêter d’ici à quelques jours à cause de Roland Garros, puis de la Coupe du Monde de Foot, puis du Tour de France, elle va rêver de médailles comme une vieille Allemagne de l’Est à bout de souffle qui fait semblant d’avoir le patriotisme chevillé au corps alors que tout le monde s’en fout, la France veut qu’on vienne la border le soir dans son lit et qu’on la réveille en douceur et pas trop tôt, elle veut profiter de la vie bon sang ! Elle y a droit après tous les efforts fournis pour que les riches, les salauds, soient encore plus riches.
D’ailleurs, la France ferait presque la révolution, mais là elle n’est pas libre avant septembre (tennis, foot, vélo et baignades), mais attention, une révolution où elle ne perdra rien, pas un acquis, pas un euro sur son Livret A, pas un jour de RTT, juste une révolution qui permettrait de se partager l’argent des autres, ces voyous qui travaillent parfois jusqu’à 50 ou 60 heures la semaine, des anti-citoyens.
La France veut aussi être la plus propre du monde, un laboratoire à éliminer le CO2… et des millions d’emplois. Tant pis, on les transformera en « bureliers » d’Etat.
Enfin, elle voudrait, cette France à la pointe de l’exception, que son pays atteigne le rocher de Sisyphe de l’action sociale (mais sans la pénibilité), même si accroître indéfiniment l’action sociale revient à peser plus lourdement sur la production avec pour corollaire un rendement social décroissant.
Nous n’en sommes plus à l’évagation mais au nœud gordien.



Jean-Yves Curtaud

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