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La « société du bien-être » vue par le PS

05/07/2010
« Porte parole théorique de la classe ouvrière et de ses alliés, le socialisme français ne fut jamais que l’expression pratique de la petite bourgeoisie salariée. » Une définition que l’on doit à un homme quand même proche de la maison socialiste, Laurent Joffrin, et issue de son livre « La régression française » publié en 1992 (le Seuil). Et cette « petite bourgeoisie salariée » est avant tout issue de la Fonction Publique. Quant aux dirigeants du parti ils sont souvent issus de la grande bourgeoisie. D’où cet antagonisme entre parfois une idéologie radicale chez certains et un opportunisme électoral chez d’autres… quand ce ne sont pas les mêmes.

 

Le choix d’agir
Revigoré par son excellent score aux régionales, le Parti Socialiste revoit la vie en rose. Mais mairies, départements et régions ne suffisent pas à faire un gouvernement. Et c’est bien là le problème. La gauche gagne les élections locales mais échoue aux nationales. Hormis l’intermède Jospin, initié par la dissolution Chirac (avec une victoire sur le fil grâce aux nombreux maintiens des candidats du FN), la gauche n’a plus gagné depuis 1988, c’est-à-dire 22 ans. Ce qui, en 2012 au moment des prochaines présidentielles, représentera un absence plus longue qu’entre le retour du Général et la victoire de Mitterrand.
Et ceux qui ont gouverné après la victoire de 1988 et ce jusqu’en 1993, sont les mêmes qui aujourd’hui préparent la bataille de 2012, Martine Aubry, Ségolène Royal, Dominique Strauss Kahn, Laurent Fabius, tous furent au gouvernement il y a plus de vingt ans. Le renouvellement des cadres attendra, et c’est à se demander si certains quadras ne souhaitent pas la défaite en 2012 pour « enfin » se débarrasser des derniers éléphants ?
« La politique, c’est mobiliser les citoyens autour d’un projet, pas seulement pour gagner la majorité aux élections, mais parce qu’il n’y a pas de changement sans adhésion du grand nombre. Le commencement de la politique, c’est le courage. » Ainsi, Martine Aubry concluait-elle son essai « Le droit d’agir » en janvier 1994, soit moins d’un an après la déroute de la gauche aux législatives de 1993. Au passage on rappellera que « pour gagner les élections » en 1997, c’est elle qui mis au point les 35 heures, un truc ficelé au dernier moment et qui fit mouche !
Ce « projet » qui devra mobiliser les citoyens pour gagner 2012 n’est pas né. Après le programme Commun, base de l’union de la gauche de l’été 1972, après la gauche plurielle du printemps 1997, la tournée de la patronne devra être la plus large possible pour convaincre déjà tout le Parti Socialiste (ce qui a manqué en 2007), mais aussi les communistes, Mélenchon et surtout les différents courants écolos qui n’ont pas tous la même perception du vert.
Et même si le porte-parole du parti Benoît Hamon évoque « une nouvelle gauche qui n’est pas identique à ce qu’on a pu connaître, car chacune de ses formations et leurs positions ont évolué », il n’en demeure pas moins que les deux années à venir ne seront pas de trop pour mettre au point un troisième programme commun, un programme qui devra avoir l’air moderne, adapté à la mondialisation de l’économie, mais qui rassurera également les tenants d’une économie étatisée, qui intégrera les clichés genre « faire payer les riches » tout en rassurant le bourgeois, et qui règlera l’un des plus grands enjeux des décennies à venir : que va-t-on faire avec le nucléaire ? Bref, contenter Buffet, Mélenchon, Duflot, Cohn-Bendit, Royal, quelques radicaux et pourquoi pas Bayrou s’il fait partie du voyage, voilà qui promet quelques réjouissances…

Faire le ménage
Mais nous n’en sommes même pas là car le Parti va devoir avant régler sa propre feuille de route. Comment par exemple gérer le problème de l’éducation entre des syndicats d’enseignants qui protègent leurs acquis et des parents d’élèves de plus en plus intransigeants sur la réussite individuelle de leurs enfants ? Les électeurs veulent-ils pour leurs enfants l’école présentée par le PS qui réfute le débat sur la carte scolaire et son assouplissement mis en place par la majorité actuelle, celui-ci profitant aux classes moyennes, donc à l’électorat du PS, ou une refonte totale de cette carte scolaire ? Quid des retraites ? Peut-on un jour dire qu’il faudra travailler plus longtemps, puis très vite revenir au dogme des 60 ans ?
Enfin, lorsque la Première Secrétaire évoque à propos du programme de 2012 à construire « une société du bien être » et du « soin mutuel », est-ce une manière de s’opposer à une société où seul le travail permettrait l’épanouissement de l’homme, une ébauche de programme qui semble également vouloir stigmatiser le quinquennat, car il serait « difficile de changer une société en étant élu pour cinq ans ». mais qui veut encore changer la société ?
La présidentielle est un face à face entre deux personnalités qui portent chacune un programme élaboré par son camp. En 2012, la famille socialiste devra, après avoir réglé son affaire de primaires expurgée de tous règlements de comptes, négocier au coup par coup avec des Verts qui tenteront d’imposer l’essentiel de leur programme, soit avant le premier tour si la candidature est commune (ce qui reste très aléatoire), soit entre les deux tours, et là ce sont les scores qui décideront. En 2002, les écolos étaient absents du débat, en 2007 ils étaient à 1,5%, le score de Dominique Voynet. Mais on a pris désormais l’habitude de les voir autour des 15%, mais il est vrai lors d’élections sans de véritable enjeu national. Il sera quand même bien plus difficile aux hiérarques de Solferino de faire entendre raison à ces nouveaux alliés plus encombrants électoralement qu’un Colonel Fabien historiquement plus pragmatique au fur et à mesure de son écroulement électoral.

Un trio impossible
Primaires ou pas, le plus délicat sera d’aller unis à la bataille. Si aujourd’hui Martine Aubry est la bonne candidate à la présidentielle pour 52% des sympathisants du Parti Socialiste (et 43% pour l’ensemble des Français) d’après un sondage réalisé le 31 mars, sa principale challenger Ségolène Royal, réélue brillamment en Poitou Charente, n’a pas baissé les bras. Elle ne manquera pas de mettre son expérience de candidate en avant et fera tout pour ne pas se laisser manipuler, allant même jusqu’à souhaiter des « primaires ouvertes ». Quant à Dominique Strauss Kahn, il paraît peu probable qu’il abandonne une place dorée à Washington pour participer à une primaire très aléatoire pour lui. Les autres sont hors de course, qu’il s’agisse de Fabius, Peillon, Montebourg, Hamon, Valls ou Moscovici.
« Le parti est depuis longtemps devenu un arbre sec » disait amèrement Jack Lang il y a quelques semaines. L’optimisme né des régionales voudrait démontrer le contraire, mais certains observateurs se demandent si le PS peut lui-même trouver son candidat pour 2012 ?!...
Sans aller jusque là, rappelons que les situations précédentes ne se renouvellent pas forcément, Mitterrand arrivait à la 3e tentative sur la base d’un programme qui avait mûri longuement pour aboutir aux fameuses 110 propositions, Jospin a gagné par surprise avec le paquet cadeau des 35 heures, aujourd’hui il va falloir mettre les mains dans le cambouis et aller au charbon pour « vendre » une alternative aux réformes de Sarkozy, réformes par ailleurs, et c’est là toute la contradiction nationale, plébiscitées par une majorité de français. La seule opposition au pouvoir mise en avant au moment des régionales ne suffira pas. Quant à la « société du bien être » mise en avant par Martine Aubry, elle devra être financée. Le bonheur collectif a un coût, celui du social, et de ce côté-là les déficits et la dette lui doivent beaucoup. Difficile de faire encore mieux, même en faisant payer les riches.

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