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La sagesse après toutes les autres solutions

19/06/2011
« L’histoire nous enseigne que les hommes et les nations ne se conduisent avec sagesse qu’après avoir épuisé toutes les autres solutions » dit un jour le diplomate israélien et ancien ministre des Affaires Etrangères Abba Eban. Pourtant, Dieu couche toujours avec le Diable dans de nombreux pays, les récents soubresauts du monde arabe et du continent africain en attestent si besoin est : Algérie, Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Jordanie, Yémen, Côte d’Ivoire, Guinée, Iran, Afghanistan, Irak, et la liste n’est pas exhaustive, on pourrait y ajouter quelques républiques de l’ex-Union Soviétique sans oublier la Corée du Nord, Cuba, le Venezuela, l’Indonésie… il semble que les hommes qui dirigent ces pays n’ont pas encore épuisé toutes les solutions avant cette fameuse « sagesse ».

Souvenons-nous des Balkans

Comment se fait-il qu’en 2011, à l’heure de la communication et de l’actualité en instantané via Internet, des centaines de millions d’hommes vivent encore sous le joug de dictateurs, parfois sanguinaires, qui en plus des milliards souvent accumulés pour eux et leur famille, ont besoin de leur dose quotidienne de pouvoir absolu. Mais on le sait, l’argent n’est pas toujours le mobile du crime, on peut se contenter de la religion, de la haine tribale ou encore d’une vieille querelle de voisinage à solder un jour ou l’autre. Ce qui arriva au début des années 90 ex ex-Yougoslavie lorsque Serbes et Croates décidèrent de remettre sur la table une affaire qui datait de la seconde guerre mondiale et de l’occupation nazie. Il est vrai que le contentieux concernait quelque 700.000 Serbes massacrés par les Oustachis croates avec la complicité de l’Allemagne. Le feu appelant le feu, il n’en fallut pas davantage pour que l’ensemble du pays se déchirât à coups de mortiers et d’épurations dites ethniques qui, ne l’oublions jamais, ont fonctionné dans les deux sens, les Serbes ne furent pas que des bourreaux. 

La paix – fragile encore aujourd’hui croyez-moi – n’est revenue dans les Balkans qu’à force de compromis, et l’indépendance du Kosovo, aujourd’hui plaque tournante de tous les trafics (avec la Bosnie et l’Albanie), pourrait bien un jour prochain servir de prétexte à raviver les fumerolles. 

 

Combien de démocraties ?

Abba Eban évoquant la sagesse appelée en ultime solution, après toutes les autres, pensait-il à son propre pays ? Certainement. Cette sagesse, Anouar El-Sadate l’avait trouvée, bien qu’il fut le successeur d’un Nasser promettant la destruction d’Israël. Cette paix est-elle possible alors même qu’au sein de la famille palestinienne plusieurs factions se combattent. Quid de la Libye et de tous ces pays où le sang appelle le sang. Gbagbo sur la touche, est-ce à dire que la Côte d’Ivoire pourra prospérer et vivre en paix ? 

Au fait, combien de pays du continent africain sont-ils de véritables démocraties, combien ne sont pas en guerre, civile ou avec un voisin ? Avant de dénoncer systématiquement les agissements de la France cinquante ans après l’indépendance, on pourrait aussi rappeler que ces pays furent « colonisés » par le communisme, soviétique ou cubain, durant les années 60, 70 et 80, nombre d’armées locales étant alors formées et encadrées par des Allemands de l’Est, des Bulgares, des Roumains, des Cubains et des Soviétiques. Et si nous avons laissé en partant toutes les infrastructures modernes, routes, écoles, hôpitaux, ports, voies ferrées… eux ont laissé la terre brûlée et les généraux qui vont avec.

 

Il y a ceux qui font des affaires

« La sagesse après toutes les autres solutions », qui a intérêt à soutenir pareille utopie, qui avait intérêt à arrêter trop vite le fou furieux qui prospérait à nos frontières dans les années 30 ? On le menaçait de loin, pour dire, pour rassurer les peuples inquiets, mais le monstre wagnérien se moquait de tout ça !

Croyons-nous que certaines grandes, très grandes puissances, ont intérêt à voir s’instaurer la sagesse sur le continent africain, ce buffet à matières premières qui devra abreuver plus de deux milliards d’émergents blindés de cash comme un fourgon de la Brink’s. Aujourd’hui, Chine et Inde « se disputent » Madagascar, l’île au bout de l’Afrique où survivent vingt millions d’habitants. Et qui accuse-t-on d’empêcher « la sagesse » de prendre le pouvoir après trois présidents déchus ou en fuite ? La France, c’est tellement pratique. Comme nous étions accusés de protéger à la fois Gbagbo et Ouatara à Abidjan, ou encore Kadhafi et les insurgés, les Serbes et les Bosniaques.

En fait, personne n’accusera la Chine ou l’Inde de mettre la main sur un pays, ce n’est que du business paraît-il, mais c’est bien vers la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis qu’on se tournera pour prendre en charge les âmes et remettre en marche les institutions. Pendant ce temps, les « wagnériens » feront eux aussi des affaires. Mais voilà peut-être une autre forme de sagesse…

 

J. Nimaud

 
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