Nous vivons une époque formidable nous ne le dirons jamais assez, et ce grâce à cette globalisation du développement du « moi » qui a depuis quelques années envoyé le « nous » se faire beurrer la gaufrette sur une plage ensoleillée de Moldavie, où en fait il ne reste plus qu’à découvrir un océan. Ce « moi » est devenu la mesure étalon de la stupidité, de l’irresponsabilité, et n’ayons pas peur du loup, de l’ignorance, alors que le « nous » avait de la gueule, il nécessitait une prise en compte de l’effort dit collectif pour atteindre l’objectif, celui qui permettrait au plus grand nombre d’améliorer son chemin de croix ici-bas. Il était gaulliste ou communiste, mais au moins il présentait l’avantage de mettre tout le monde (c'est-à-dire « nous ») face à ses responsabilités. C’est sur ce « nous » que nous avons bâti nos avancées sociales. Et même en des temps lointains, nos rois ne disaient jamais « je » mais « nous »…
En face, le « moi » ne pense pas, ne réfléchit pas, il consomme, il exige que l’Etat lui donne ce qu’il ne peut s’offrir, il fait et défait les majorités au gré des besoins de son ventre, d’où l’expression « voter avec son ventre », avec son « moi », par exemple pour obtenir 25% d’allocations en plus tout en dépensant 280 € pour aller voir Madonna à Nice. Le « moi » peut pointer au chômage depuis cinq ans et s’extasier devant le grand stade de Lille qui vient de coûter 324 millions d’euros… pas cher pour divertir le peuple qui d’un coup se sent devenir « nous » au milieu de vingt mille autres « moi » en communion après une victoire contre la réserve de Sedan.
Voilà en partie la cause de nos problèmes actuels, ceux que l’on nomme « la crise », alors qu’ils ne sont que le résultat de notre égoïsme pathogène ou de notre égocentrisme chronique : depuis vingt ans, nous nous sommes lancés dans une course effrénée au mieux vivre, travailler moins, profiter de nos quatre-vingt dix années sur terre, et avoir des revenus qui doivent forcément aller avec ces exigences. C’est ainsi que le « moi » a supplanté le « nous », à tel point que tout ce qui nous arrive est toujours à cause des autres. Pourtant, si nous nous retrouvons quasiment en faillite c’est bien parce que nous avons demandé, demandé, demandé, et encore demandé. Et pour qui ? Pour « nous » ? Non bien sûr, pour « moi » !
LE CHRONIQUEUR