Un pont entre deux nations
Sans jeu de mots, car on le sait, depuis le début du troisième millénaire, un pont d’environ 8 kilomètres relie le Danemark à la Suède, précisément Copenhague à Malmö, aujourd’hui la troisième ville du pays, c’est le pont de l’Oresund qui renoue finalement avec une vieille tradition, Malmö ayant été rattachée au Danemark jusqu’en 1658, année où toute la Scanie revint à la Suède.
Cette région, louée par les poètes pour ses forêts transparentes de hêtres, ses champs de colza, ses saules et ses fermes blanches ponctuant des horizons vallonnés, connue aujourd’hui pour être l’une des régions agricoles les plus riches d’Europe, fut au fil des siècles l’objet de convoitises et autres querelles de voisinage. Entre les influences allemandes, les menaces suédoises et convoitises danoises, les Scaniens changèrent de maîtres à l’instar du roi Valdemar qui passait d’épouse en maîtresses avec insouciance. Ce qui lui valut un rappel à l’ordre et un pèlerinage forcé à Rome auprès du pape Grégoire X en 1275. Une absence qui fut fatale à sa couronne. Ne jamais trop s’éloigner du pouvoir…
Une ville qui prospère
Si en 1353, Magnus Eriksson, roi de Suède, de Norvège et de Scanie accorde de nouveaux privilèges à Malmö, la ville n’a pas pour autant rendez-vous avec la prospérité immédiate, l’instabilité des pouvoirs n’arrange jamais le commerce. Il faudra attendre la rencontre à Malmö en 1524 entre Gustave Vasa de Suède et Frédéric 1er de Danemark pour que le climat s’apaise. Et la ville, petit à petit, va s’étoffer dans le genre belle bourgeoise. L’Eglise Saint-Pierre avec sa tour de 88 mètres édifiée au 14e siècle, et d’influence allemande, sera vite entourée d’hôtels et monuments témoignant d’une prospérité nouvelle, à l’instar de ces demeures des 17e et 18e siècles que l’on peut admirer aujourd’hui à Lilla Torg (la Petite Place) au cœur de la ville ancienne. Lilla Torg et Stortorget (la Grand’Place) forment d’ailleurs le noyau dur artistique de la vieille ville. Citons encore le « Jörgen Kock », ancien hôtel du grand maître des monnaies de 1525, l’Hôtel des Rosenvinge de 1534, et bien sûr l’Hôtel de Ville de la Grand’Place dont la construction débuta en 1546. Une collection unique de palais et bâtiments du 16e siècle.
Malmöthus, c’est le château bâti en ville également au 16e siècle, il servit de prison à l’un des maris de Marie Stuart, il est désormais la fierté de Malmö au cœur de l’immense havre de verdure du Slottsparken, jouxtant la vieille ville. L’imposante bâtisse de brique a été transformée en musée local depuis 1930.
Plusieurs atmosphères
Devenue troisième ville de Suède avec un peu plus de 250.000 habitants (ils n’étaient que 5.000 en 1800 !), Malmö a su conserver son charme de bourgade dans sa partie ancienne, ses places et ruelles pavées offrent au visiteur autant de clichés historiques qu’une ambiance festive, notamment aux beaux jours grâce aux terrasses des nombreux cafés et restaurants. D’autres lieux reflètent des ambiances différentes comme le Möllevang, rendez-vous des maraîchers et horticulteurs, ou les cabanes de pêcheurs du Baner (les « Hoddorna ») qui rappellent que la prospérité locale fut aussi liée à la pêche au hareng dans le détroit du Sund.
Mais la transformation post-industrielle des dix dernières années a également permis la reconquête du bord de mer avec le quartier « Vastra Hamnen » (ancien port) où le bois, le verre et l’aluminium ont permis de moderniser les anciens docks et de les transformer en un nouveau quartier d’habitations dominé par la « Turning Torso » ou tour qui tourne sur elle-même, édifice de 54 étages qui est aujourd’hui le bâtiment le plus haut de Scandinavie avec ses 190 mètres (et la deuxième plus haute tour d’habitation d’Europe). Vastra Hamnen est peut-être aussi devenu le quartier « bobo » de Malmö.
Il faut dire que l’image locale jusqu’à la fin des années 90 était celle d’une ville détruite par le chômage (25% de la population active), avec un centre qui se délabrait, elle était également perçue comme « une ville de gangs ».
Les responsables politiques ont voulu changer cette image en tentant d’en faire une destination branchée, riche en musées (on vient d’y ouvrir un musée d’art moderne, le « MMM »), en lieux de concerts, une ville avant-gardiste qui serait la version suédoise de Berlin ou de Barcelone. L’idée était d’aller encore plus loin que de passer de Johan Helmich Roman, élève de Haendel, à Abba. Plus loin, trop loin peut-être…
Le revers de la médaille ?
Fin 2009, une rencontre de Coupe Davis entre la Suède et Israël doit se dérouler à Malmö. Durant deux jours, la ville sera quasiment en état de siège, la police devra faire face à quelque 6.000 « manifestants » d’extrême-gauche et représentants de la communauté musulmane qui n’acceptent pas la présence de sportifs israéliens en ville. C’est l’autre image de Malmö, une ville dont la population musulmane dépasse les 30%, une ville où les actes antisémites se multiplient, à tel point que des familles juives quittent aujourd’hui la région. Et apparemment, les déclarations du maire social-démocrate Ilmar Reepalu ne vont pas dans le sens de l’apaisement, on peut même parler de provocation : « Mes administrés Juifs doivent se distancer publiquement de la politique israélienne et des violations des droits de la population civile de Gaza », ajoutant au journal le Sunday Telegraph, « Si les Juifs de notre ville veulent aller s’installer en Israël ce n’est pas notre affaire. »
D’aucuns n’hésitent plus aujourd’hui à affirmer que des « radicaux » font régner l’ordre dans le quartier de Rosengaard, certaines familles affirmant qu’elles vivaient plus librement dans leur pays d’origine.
En fait, l’hostilité coutumière de la Suède vis-à-vis de l’Etat d’Israël se retrouve désormais dans la rue. Après les Chrétiens de Syrie et de Turquie arrivés à partir des années 60, ce sont désormais des Bosniaques, des Somaliens, des Irakiens qui ont trouvé refuge en Suède. Il y a quelques semaines, pour la première fois dans son histoire, le pays a vu entrer une vingtaine de députés d’extrême droite au parlement. Comme quoi, même un pays historiquement neutre et apparemment socialement « sain », n’est plus à l’abri d’une telle réaction populaire… ou populiste, à chacun sa définition. Les communautarismes intolérants ont désormais pignon sur rue dans toute l’Europe.
Un peu aux alentours
On le sait, Copenhague est à trente minutes en train ou en voiture, on peu se laisser tenter par une deuxième ville. Mais la balade conseillée sera un bref tour de Scanie : Lund, fondée en 990, laboratoire d’idées avec son université, Trelleborg, la ville la plus médiévale, et Ystad, également à caractère médiéval, sans oublier les plages de Falsterbo à la pointe de la Scanie. Vous trouverez de nombreuses auberges le long de ce périple pour y déguster le hareng – pommes de terre, les crêpes garnies, l’anguille fumée ou le « spättekaka » !
Cette version gastronomique nous rappellera qu’il y a pile deux cents ans c’est un Français, maréchal d’Empire, Charles Jean-Baptiste Bernadotte, qui était choisi par le Riksdag pour succéder à Charles XIII sur le trône de Suède. Et ce sont toujours les descendants de ce Bernadotte qui règnent sur le pays.
Pratique
Renseignements Office du Tourisme de Suède,
11 rue Payenne à Paris
01 70 70 84 58 ou www.visit-sweden.com.
Il n’y a pas de décalage horaire entre la France et la Suède, la monnaie est la couronne suédoise (SEK), le pays n’étant pas passé à l’euro.
Pour s’y rendre, le plus simple (et le plus rapide) en avion est de faire Lyon – Copenhague. Il est possible d’opter pour un Lyon – Malmö, mais avec deux escales et c’est très long, environ 8 heures au total ! Quant à la voiture, courage, il vous faudra remonter jusqu’au nord de l’Allemagne.
LE CHRONIQUEUR
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