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Les leçons du cataclysme japonais

19/06/2011
Le vendredi 11 mars, un séisme de magnitude 8,9 sur l’échelle de Richter, qui va classiquement jusqu’à 9, s’est déclenché en mer au large de la ville de Sendai sur la côte est du Japon. Il a été suivi peu après d’un raz de marée d’une violence extrême ayant tout ravagé sur plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres, causant un nombre de morts et de disparus qui pourrait être supérieur à vingt mille, et paralysant dans cette région toute vie économique et sociale pour une très longue période non encore clairement évaluée.

 

 

 

Catastrophe sociale et économique

Bien entendu, le double phénomène a également défié les précautions antisismiques observées par les Japonais lors de la construction de leurs centrales nucléaires, présumées pouvoir résister à toute action de destruction. En fait, les réacteurs du complexe Fukushima 1 et Fukushima 2 implantés en bord de mer en face de la ville du même nom ont été atteints à un point tel dans leur fonctionnement normal que leur remise en service est inenvisageable, et leur démantèlement donc inéluctable : il devrait être très délicat à conduire, s’étendre sur des décennies et entraîner des frais très lourds. La quantité de substances radioactives déversées accidentellement dans l’environnement, mal connue, pourrait rendre inhabitable une grande partie de la côte est, et à cet égard aucune perspective sérieusement fondée n’apparaît encore. Il est question d’évacuer les alentours des réacteurs endommagés dans un rayon de vingt kilomètres, mais il faudra sûrement notablement l’élargir. La situation que traverse ainsi le Japon est donc la plus préoccupante qu’il ait connue depuis les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, qui firent globalement plus de 200.000 morts immédiats auxquels se sont ajoutés les décès survenus par la suite.

La comparaison avec Tchernobyl

La comparaison avec l’accident de Tchernobyl (Ukraine) le 26 avril 1986 est malaisée. La centrale n’était pas du même type que les centrales japonaises BWR (Boiling Water Reactor). Il y avait eu environ 25.000 morts immédiats et au moins 400.000 dans les années qui suivirent (chiffres souvent contestés par ailleurs), la contamination, plus ou moins importante, s’était étendue aux trois quarts de l’Europe.

L’événement avait été placé au niveau 7 selon l’échelle « Ines » des événements nucléaires (graduée de 0 à 7). Rappelons, pour créer un contexte, l’accident japonais de Tokaimura en 1999 de niveau 4, et l’américain de Three Mile Island en 1979 de niveau 5. Mais voici que le 12 avril dernier, le gouvernement japonais a classé Fukushima au niveau 7, tout simplement en raison du poids économique et social de ce malheur et de sa très problématique réversibilité à terme. A la cohorte des plaies qui viennent de frapper ce pays s’ajoutent, parmi d’autres encore, le danger d’utiliser l’eau du robinet dans la zone concernée et le caractère désormais inconsommable des légumes des cultures maraîchères, qui, du même coup, deviennent inexportables. En l’absence de nouveau séisme comparable à celui du 11 mars ou de répliques « suffisantes » et donc de

stabilisation de la situation, le déficit pour le pays sera difficile à combler. Pour ce qui est des pollutions radioactives attendues sur toutes les régions du monde, au gré des vents, elles sont réputées négligeables loin du Japon.

 

Alors, faut-il ou peut-on sortir du nucléaire ?

Malgré ce que clament certaines associations ou certains organismes, il est évident que non. Mais il faut sortir du nucléaire à l’uranium pour en revenir à

une filière totalement oubliée aujourd’hui parce que de vocation exclusivement civile, celle des RSF ou Réacteurs à Sels Fondus de thorium, filière répudiée il y a une soixantaine d’années par les Américains qui la connaissaient parfaitement, mais regrettaient de ne pas rencontrer dans les produits de fission du thorium le plutonium (239 pu) permettant de produire des bombes atomiques, ou l’uranium 235 que l’on peut extraire de l’uranium naturel et qui, lui aussi, fait merveille en l’occurrence..Tout chef d’Etat est opiniâtre à en disposer, au prix parfois de tous les sacrifices pour certains peuples. L’erreur, qui met le monde entier en danger, a été de vouloir reconvertir à l’usage civil une filière à objectif guerrier.

 

En quoi consiste-t-elle ?

L’erreur consiste à n’avoir pas pris garde à la très longue durée d’extinction pour moitié (de l’ordre éventuellement de centaines de milliers d’années) de la radioactivité des déchets de la filière, alors que les déchets des « RSF » peuvent d’éteindre en une centaine d’années, donnant naissance à des « terres rares » (ou lanthanides). Un autre aspect de la dynamique de fonctionnement des « RSF » est que la masse des fluorures fondus en cours de réaction ne peut s’emballer en cas de déficit des systèmes de refroidissement, elle est alors immédiatement évacuée, ni causer de possible « excursion nucléaire » hors du réacteur, le mélange devenant « sous-critique » dès qu’il se répand hors de la cuve en se solidifiant. A noter également que les hexafluorures de thorium sont insolubles dans l’eau. Enfin, on ne doit pas ignorer que le rendement thermodynamique (de Carnot) de la transformation en énergie mécanique, puis électrique de la chaleur produite par la filière RSF dépasse de bien plus de 10% celui permis par les filières à l’uranium, et ce pour des raisons structurelles spécifiques. On ne doit pas ignorer non plus la grande souplesse et la grande adaptabilité auxquelles se prête la filière RSF, dont les réacteurs sont toujours à puissance équivalente, plus petits et « ramassés » que ceux de l’uranium, plus rustiques aussi et de puissance plus aisément modulable,

ceci pour des coûts d’exploitation nettement inférieurs.

 

L’immense intérêt de l’énergie nucléaire

Nous l’avons dit, il n’est ni raisonnable ni souhaitable de sortir du nucléaire. Les besoins énergétiques sont tels, ainsi que les intérêts de toutes sortes liés directement ou non à ces besoins, qu’il n’est pas possible de renoncer à leur couverture ; et l’heure n’est plus à la mise à l’écart d’un revers de main des moyens aptes à l’opérer.

Il faut savoir que l’énergie fournie par la combustion dans l’air de combustibles classiques (charbon, pétrole, gaz naturel...) le plus souvent fossiles est de nature chimique, mettant en œuvre les électrons des atomes se liant

à l’oxygène. Ces combustions contribuent largement à l’émission de gaz à effet de serre qui compromettent les équilibres écologiques et climatiques. Quant aux efforts actuels en direction des énergies dites renouvelables, ils n’aboutissent encore, pour

d’énormes coûts et bien des nuisances, qu’à une couverture très marginale des besoins en question. L’immense intérêt de l’énergie nucléaire, qui met en jeu la désintégration des noyaux atomiques, est qu’à masse pondérale équivalente la fission d’un combustible nucléaire dégage deux millions de fois plus d’énergie (thermique) que n’en génère la combustion du combustible classique. Il reste à s’en tenir à la filière nucléaire civile la plus avantageuse, qu’il serait grand temps de promouvoir... enfin ! La Chine, soudainement et vivement sensibilisée par les récents revers de son voisin japonais, s’avisera-t- elle de produire ces « RSF » pour les utiliser à son profit (ce qui serait déjà un plus pour l’environnement saccagé par les centrales à charbon qu’elle ouvre semaine après semaine)... avant de les vendre à l’Occident qui n’a pas été capable de s’en doter ?

Henri Durrenbach (ingénieur ESCM)

 

 

 

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