Planification des déchets
Tenter de s’y appliquer entraîne des coûts de plus en plus élevés pour des résultats sans possible adéquation avec les contraintes réelles auxquelles on ne sait guère faire face. La cause en est à l’évidence due au fait que le champ d’action envisagé est strictement réduit à l’aval, les intérêts installés en amont, nous l’avons déjà souligné en d’autres occasions, étant trop puissants pour se voir déstabilisés pour le moment.
Dans ces conditions, les louables objectifs fixés par des directives venues tant de l’Europe que des autorités compétentes des états membres en restent le plus souvent au stade de vœux pieux, de réalisation lointaine ou incertaine.
Pour ce qui est de la France, les autorités compétentes sont le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, les conseils généraux et régionaux, ainsi que nombre d’autres organismes locaux et territoriaux en liaison ou en partenariat avec l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) dont les implantations sont réparties sur tout le territoire. Ces organismes sont chargés de faire appliquer et respecter foule de dispositions, dont les récentes lois de Grenelle I et II, et d’élaborer les divers plans destinés à y parvenir.
Sont ainsi nés les PEDMA (Plan d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés), PDEMA (Plan Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés), PREDD (Plan Régional d’Elimination des déchets Dangereux), PDPD (Plan Départemental de Prévention des Déchets), et beaucoup d’autres visant toutes catégories de déchets, tous perpétuellement susceptibles de révision avec d’innombrables amendements à la clé. C’est une quête en incessant devenir.
Les objectifs continuellement revus doivent également répondre aux évaluations environnementales des plans déchets, l’Ademe participant à leur suivi et aux campagnes de sensibilisation du grand public.
Encadrement
Cette complexité suggère à quel point on s’est laissé limiter aux seuls aspects juridico-bureaucratiques et administratifs de la planification des déchets, laquelle mobilise beaucoup de compétences, d’efforts et de vertu sans que des solutions définitivement satisfaisantes puissent être escomptées à terme.
Le problème qui se pose est alors celui des coûts de tout cet encadrement, néanmoins tout à fait nécessaire dans les temps présents, et particulièrement le seul à se préoccuper des situations de crise, spécialement du risque inondation et de sa prévention, qui ont été de grande actualité tant en France que dans nombre de régions du monde ces derniers mois. Les difficultés rencontrées dans ces circonstances sont extrêmes et l’on ne peut que chercher à réduire les énormes dégâts et perturbations occasionnés par l’eau, et atténuer la vulnérabilité des sites touchés ou menacés. A cet égard, l’anticipation la plus efficace est de mise et justifie les investissements (de l’ordre de dix à vingt millions d’euros) désormais envisagés. Les organismes suscités de fraîche date pour jouer ce rôle sont pour certains d’entre eux (comme le Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation, qui prend également en charge la gestion des déchets post-crue) basés à Orléans.
A Paris, dans le 19e arrondissement, on trouve également l’association « Robin des Bois », très performante dans l’étude et la gestion « à chaud » des situations de crise ; sa présidente, Charlotte Nithart, a fait des descriptions criantes de vérité et montré que les déchets post-catastrophes, étant de toute nature, sont potentiellement les plus polluants et dangereux selon les sites où ils ont été arrachés.
Retour sur les coûts
Il serait irréaliste de dénier l’intérêt de toutes ces prestations et interventions. Mais nous en revenons à la question de leurs coûts et retombées au niveau des particuliers qui en définitive en supportent toujours entièrement la charge, directement ou indirectement. Elle ne cesse de croître avant de devenir à terme, à coup sûr, insurmontable, ainsi que le titre de notre étude en évoque la perspective. Que deviendront alors les systèmes aujourd’hui en place ?
Réutilisation des emballages industriels
Encore un domaine permettant une très intéressante illustration de l’insurmontabilité des coûts : celui des réutilisations, en l’occurrence des emballages industriels, qui en fournit une approche très large.
Si la politique de la grande distribution qui, imposant toujours sa loi, participe grandement à la marée croissante de déchets déferlant sur la planète, qu’on ne sait plus comment endiguer, la quasi impossibilité de financer les réutilisations dès lors que cela représente un obstacle à l’exigence de rentabilité directe et immédiate, héritée de la crise, est la conséquence même de la mondialisation génératrice de ladite crise précisément, qu’aucun chef d’Etat ne parait songer à infléchir. Ce piège, aux implications sans fin, qui pourrait se refermer sur la ruine de tous, continue, pour l’heure, à compliquer la vie de beaucoup.
C’est dans ce contexte que se place la problématique des réutilisations, extrêmement complexe en soi, que nous ne pouvons que survoler schématiquement ci-après.
Comme l’a expliqué Alain Geldron de l’Ademe, la réutilisation, très ancrée naguère dans les moeurs, est tombée en désuétude du fait de l’incursion des habitudes modernes de consommation, vecteur du « jetable ». La toute nouvelle survenue des préoccupations environnementales a rendu une certaine faveur à l’emballage réutilisable, mais dans la limite très rapidement atteinte des surcoûts supportables pour se maintenir dans ce choix. Dans l’état actuel de la conjoncture, il y a un équilibre précaire à trouver entre réutilisation et orientation vers des filières de recyclage ou de valorisation, qui ne sont pas non plus, on le sait, sans frais, loin de là. Le coût des transports grève par ailleurs de plus en plus toute cette économie, sans que l’on puisse omettre celui des réparations, remplacements, etc, toujours inévitables. Cependant, malgré la fragilité de cette interactivité, une étude conduite par l’Ademe entre 2003 et 2008 nous rappelle que « ces travaux montrent que, sans réutilisation, la quantité des déchets d’emballages industriels serait, hors palettes bois, de un à deux millions de tonnes supérieurs, et pour les palettes bois de plus de six millions de tonnes. » En fait, le flux des emballages est de treize millions de tonnes par an. Ces données sont valables bien sûr pour la France. Penser à celles qui correspondent aux pays développés ou en voie de développement donne le vertige…
Il reste encore à considérer le cadre juridique, très étroit, définissant les caractéristiques d’un emballage réutilisable avant qu’il ne devienne déchet d’emballage. Les exigences touchent tous les secteurs, de l’aptitude à supporter de nombreux trajets et rotations à la sécurité, tant au plan sanitaire qu’à ceux du respect de l’environnement, et des normes en vigueur en cas de revalorisation.
Les circuits de la réutilisation ne se trouvent pratiquement plus au niveau du grand public, orienté vers les déchetteries, mais interviennent dans les relations inter-industries et industries-distribution. On observe là entre deux et trois milliards de rotations d’emballages par an.
Quels sont les emballages réutilisés ?
On évoque en premier les palettes bois, le parc est d’environ 300 millions d’unités pour 2,5 millions de m3 de bois, et les rotations annuelles dépassent le milliard de mouvements. Malgré les réparations et remplacements, le taux de réutilisation est très élevé. Les fûts métalliques de 200 litres et plus, très aisément réutilisables à partir d’une certaine épaisseur, on en compte quelque 7 millions d’unités. Les fûts de brasserie de 20 à 50 litres destinés aux cafés, hôtels, restaurants, le parc est d’environ 2,5 millions de fûts intégralement réutilisés. Les caisses et palettes en plastique (100 millions d’unités). Les bouteilles de verre pour toutes boissons (un milliard d’unités)… Il existe bien d’autres catégories d’emballages réutilisables pour des activités et services plus restreints et ciblés.
Signalons encore que devant l’immense diversité des emballages réutilisés ou à usage unique existant sur le marché, une normalisation très élaborée et très stricte va devoir être mise en place afin de répondre à toutes sortes de nécessités (remplissage optimisé des camions afin de réduire les frais de transport, simplification des manipulations, amélioration de l’hygiène, lutte contre les contrefaçons pour les matériels brevetés…).
Ces journées techniques nationales de l’Ademe ont constitué une mine d’informations très précieuses au plan didactique, elles furent source de réflexions sur le devenir indéfini et instable des sociétés dites évoluées, mais aussi bientôt du monde entier.
Henri Durrenbach
03/2011
LE CHRONIQUEUR
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