Du 19e siècle à la Grande Guerre
Il faut remonter à à peu près au milieu du 19e siècle (1864) pour retrouver la première Association Internationale des Travailleurs issue de groupements corporatistes, ébauche de tentative de rassemblement des différentes composantes du monde ouvrier. Dans le même esprit apparaîtra la Fédération des Bourses du Travail créée par Fernand Pelloutier en 1892, soit trois ans avant la naissance à Limoges de la CGT (Confédération Générale du Travail) dont les secteurs les plus influents étaient – déjà – le livre et les cheminots.
C’est à partir de cette époque, et notamment après le congrès de la CGT à Amiens en 1906 (au cours duquel sera adoptée la Charte d’Amiens) que l’on va s’éloigner petit à petit de l’indépendance politique, même si la motion rédigée par Victor Griffuelhes et Emile Pouget se revendiquait encore du courant révolutionnaire : « Défense des revendications immédiates et quotidiennes, et lutte pour une transformation d’ensemble de la société, en toute indépendance des partis politiques et de l’Etat. » L’industrialisation à marche forcée apportait l’emploi et le progrès (pour ceux qui avaient les moyens de se le payer), mais aussi, malheureusement, une certaine idée de l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais n’oublions pas l’époque, la situation économique et sociale de la France d’alors, ce n’est qu’après la seconde Guerre Mondiale que le progrès se démocratisera pour entrer dans tous les foyers, même ceux du monde ouvrier.
Politique et syndicats
Corporatismes, associations révolutionnaires (voire anarchistes), embryons de centrales syndicales, jusqu’à la première Guerre Mondiale, malgré un début de structuration (et c’est la CGT qui donne le ton), les représentants des travailleurs n’ont pas réussi à définir clairement leur situation au sein de l’Etat et de la vie politique. Il faudra attendre la fin de la Grande Guerre pour les voir se rapprocher des socialistes et des communistes, les passerelles seront également jetées par les partis, le PCF proposait en 1923 à la SFIO de constituer un bloc ouvrier et paysan en vue des législatives, bloc qui ne pouvait se structurer qu’avec l’appui des syndicats (les socialistes refusent et optent pour le Cartel des Gauches). Quant aux années 30, elles seront parfois ubuesques : en 1934, Maurice Thorez, patron du PCF, s’aligne sur la tactique classe contre classe prônée par la IIIe Internationale, et ce à peine un an après le rapprochement entre l’Union Soviétique et la France après la visite d’Edouard Herriot à Moscou : c’est l’époque où certaines centrales se rapprochent ostensiblement de l’obédience marxiste. Cette même année, partis de gauche et syndicats manifestent contre le fascisme.
Le 6 mars 1936, c’est la réunification de la CGT et de la CGTU, et ce quelques semaines avant la victoire du Front Populaire aux législatives... qui sera suivie à partir du 11 mai du début des grandes grèves et occupations d’usines : les syndicats gouvernent alors quasiment la France, leur démonstration de force est convaincante, puisque dès le 7 juin 1936, la CGT et le patronat signent les accords de Matignon : naissance des contrats collectifs, reconnaissance du droit syndical, élection des délégués d’atelier. Cette puissance de la CGT ira jusqu’à faire éclater le Front Populaire fin 1938 lorsque la centrale appellera à la grève générale.
Durant l’occupation, les syndicats sont mis en veille : le 15 octobre 1940, le gouvernement de Vichy dissout les syndicats de fonctionnaires, et l’année suivante suivront la dissolution de toutes les organisations syndicales et la création de syndicats uniques par corporation. Il n’en demeure pas moins qu’un ancien dirigeant de la CGT, René Belin, deviendra Ministre de la production industrielle et du travail du Maréchal Pétain.
Les libertés syndicales seront rétablies le 27 juillet 1944.
Grosse influence
1948, c’est la sission à la CGT et la création de la CGT-FO (qui deviendra plus tard Force Ouvrière). A cette époque, la seule CGT comptait quelque 4 millions d’adhérents (elle en aura encore 2,5 millions en 1968... et 711.000 en 2005). D’autres changements interviendront dans la galaxie syndicale avec la CFTC qui deviendra CFDT en 1964 (une nouvelle CFTC sera aussitôt créée). Les années d’après guerre et les Trente Glorieuses seront du pain blanc pour les principaux syndicats marqués à gauche, c’est à cette époque qu’ils « mettent la main » sur des comités d’entreprises colossaux comme à EDF (dont le financement sera mis en cause durant les années 90), qu’ils feront la loi au Livre (impression et diffusion de la presse), ou encore à la SNCF. Les grèves se multiplieront, souvent injustifiées, les syndicats se sont alors peut-être un peu trop fourvoyés dans des combats politiques qui n’étaient pas les leurs, quitte à passer pour des courroies de transmission du PCF et du PS (ou ex- SFIO). La CGT a soutenu les revendications des Algériens dans leur combat pour l’indépendance, et le programme commun de la gauche en 1972. Et même si Georges Séguy, son Secrétaire général a tenté d’éloigner la centrale de l’influence du Parti Communiste en 1978, la CGT appelait à voter François Mitterrand en mai 1981.
Et c’est peut-être la victoire de la gauche qui portera le coup le plus dur au syndicalisme en France (et au Parti Communiste en même temps). Car c’est bien un gouvernement de gauche, le premier depuis plus de vingt ans, qui a mis en place la fameuse « politique de rigueur » que CGT, CFDT, FO et quelques autres ont dû avaler à partir de 1983. Début des vaches maigres...
Vers une nouvelle orientation ?
Peut-on dire que c’est à cette époque que les principales centrales syndicales se sont tournées vers une autre « assiette au beurre », les salariés de la Fonction Publique ? En partie sûrement. Mais il y a d’autres causes comme la crise de l’industrie, la fermeture des mines, des hauts fourneaux, de nombreuses usines, les dégraissages dans l’industrie automobile, sans oublier la chute du Mur en 1989 dont le corollaire fut une perte de crédibilité des idées communistes et marxistes. Les salariés du privé (notamment du monde ouvrier) se sont détournés de ceux qui, finalement, n’ont pas pu empêcher cette crise (ou mutation) industrielle. L’hémorragie est telle que le taux de syndicalisation dans le privé est d’environ 5% (30 à 40% dans les autres pays), et si on ajoute les fonctionnaires on arrive à 8% de salariés syndiqués.
Alors, combien de divisions, quel pouvoir et quelle utilité ?
Pour l’opinion en général, les syndicats passent pour être majoritairement au service des salariés du Public. Grèves et manifestations abondent dans ce sens, les cortèges sont notamment composés d’enseignants, de cheminots, de salariés d’EDF, de la Poste, des hôpitaux, des impôts, des collectivités territoriales.
Aujourd’hui, cinq confédérations (+ la FEN) représentent les fonctionnaires (Etat, hospitaliers et territoriaux). Les syndicats ne se sont-ils pas piégés eux-mêmes en se coupant du monde de l’entreprise ? D’aucuns le pensent, et les discours vont souvent dans le sens des demandes des salariés du public : « le compte n’y est pas », « Il faut continuer de faire pression », « Tout est trop court »... expliquaient MM. Thibault, Chérèque et Mailly, respectivement patrons de la CGT, de la CFDT et de FO, après la grande grève, majoritairement de la Fonction Publique, du 29 janvier... et on pourrait refaire passer le plat pour celle du 19 mars.
Qui sont-ils ?
Les syndicats professionnels représentatifs de droit sont la CGT, FO, CFDT, CFE CGC et CFTC. Mais la modification d’août 2008 imposant la « présomption irréfragable de représentativité » a modifié le statu quo. D’après la loi de 1950, la représentativité était basée sur les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’attitude patriotique durant l’Occupation. La réforme initiée en 2006 par le Conseil Economique et Social a quelque peu modifié les critères : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans, effectifs d’adhérents et cotisations.
De plus, les élections professionnelles deviennent incontournables pour démontrer une certaine représentativité, l’audience étant mesurée à chaque élection. Ainsi, aux élections Prud’homales de 2008, la CGT obtenait 34 % des voix, la CFDT 21,8 %... mais avec un record historique de l’abstention.
A noter enfin qu’en 2009, CGT, FO, UNSA et FSU se revendiquent toujours de la Charte d’Amiens de 1906.
Définition de la grève...
Son nom vient de la Place de Grève à Paris où les hommes trouvaient de l’embauche facilement pour charger et décharger les bateaux sur les quais de la Seine.
LE CHRONIQUEUR
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