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Hollande au « pays bas »

28/02/2012
Quelle tristesse de voir revenir les vieux démons de 1981, ceux qui s’appuyaient sur le bolchevisme à la française, ceux qui dénoncent encore une classe ouvrière livrée aux démagogues dominateurs, ceux qui dressent un camp contre l’autre en stigmatisant les « très riches » coupables de tous les maux de la France, ceux qui s’adressent à un pays ravagé par les inégalités. Cette machine infernale tourne à plein régime depuis quelques jours, alors qu’on la croyait rangée au musée de Solferino depuis que le parti s’était laissé séduire par la finance internationale de son ex-futur champion DSK. Machine infernale qui peut aussi se transformer très vite en machine à perdre.
Alors on cherche ce qu’il y a de plus bas, des Français de plus en plus mal soignés, mal protégés, vivant en-dessous du seuil de pauvreté, se nourrissant aux Restos du Cœur par bataillons, on évoque cette « précarité galopante » (le galop ça va encore plus vite !), la casse des services publics alors que le caviar se déguste à la louche dans les beaux quartiers. Mais dans quel pays vivons-nous, comment pouvons-nous supporter une telle dictature qui a laissé le revenu des Français croître de 50% en trente ans et qui consacre 56% de son PIB pour les dépenses publiques (un record mondial), et 33% de ce même PIB pour la seule protection sociale (autre record) ?

 

Un « pays bas » qui vit au-dessus de ses moyens

Voilà bien la réalité, loin de ce déballage anxiogène, la France est le pays le plus égalitaire et le plus social de la planète, avec peut-être le Danemark et la Suède, mais deux pays bien plus petits en nombre d’habitants : meilleur système de santé, meilleures retraites, l’un des taux d’espérance de vie les plus élevés, mais vous pouvez compter sur nos élites pour dénigrer tout ce qui a été accompli depuis trente, quarante ou cinquante ans. A tel point qu’une partie des Français a décidé de se honnir à l’envi !

En écoutant François Hollande taper sur les riches et promettre de « restaurer le rêve français », j’ai l’impression de revenir en pleine campagne de 1981 : qu’importe la ficelle, plus elle est grosse et plus elle passe. 

Bien sûr, au fur et à mesure que l’échéance approchera, le candidat Hollande sera contraint de gauchiser son discours. Pour qui ? Pour ces fameux vieux démons de la lutte des classes à laquelle il faudra se montrer attaché entre les deux tours afin de récupérer Mélenchon, Joly, Poutou et Arthaud, plus l’aile gauchiste du PS, et ce au risque de voir s’en aller chez Sarkozy des centristes peu enclins à voter UMP. C’est ce qui a fait chuter Ségolène Royal en 2007, François Hollande l’aurait-il déjà oublié ?

 

On tire du lourd, au 75 !

Donc c’est dit, François Hollande veut taxer à 75% les revenus de plus d’un million d’euros par an, si on ajoute la CSG et l’ISF on sera près des 100%. Des nouveaux pauvres en préparation ! Mais cette annonce n’est qu’un effet de campagne, car monsieur Hollande doit savoir – ou devrait – que les 1% les plus riches ont un revenu avant impôt de 8% de l’ensemble des revenus des Français (4% après impôt), alors qu’il est de 11% en Allemagne, 14% au Royaume Uni et 17% aux Etats-Unis. Pourtant personne dans ces pays n’en appelle à Marx ou à l’esprit de 1793…

François Hollande doit savoir – ou devrait – que l’essentiel de nos difficultés a pour point de départ Maastricht et son Traité voulu par un président (François Mitterrand) et un gouvernement socialistes, le tout sous la houlette d’un président de la Commission également socialiste, Jacques Delors, et que ce Traité, voté en France en septembre 1992, était un engagement européen pour une ouverture à la concurrence fiscale et sociale, avec promesse d’une monnaie unique. A l’époque, on a menti aux Français sur les efforts à faire, on a menti sous Mitterrand et sous Chirac, et la crise est arrivée sous Sarkozy. En deux ans, 1992 et 1993, la France a perdu 1/5ème de ses emplois industriels.

François Hollande doit savoir – ou devrait – que nous avons perdu 40% de parts de marché à l’export au plan mondial de 1998 à 2010, dont 16% de 1998 à 2000, « au cul » des 35 heures. (Je ne saurais trop vous conseiller le petit livre de Christian Saint-Etienne « L’incohérence française » chez Grasset, 2012).

Avec tous ces trous d’air dans notre économie il y a aussi les trous de mémoire, car cette crise d’aujourd’hui est née avec le Traité de Maastricht, la chute du Mur et la réunification allemande. Les subprimes et le bouclier fiscal n’étaient pas nés.

 

baisse des déficits ou Arlésienne ? 

Entrez en résistance

« Taxer les riches c’est du patriotisme » nous explique le résistant-candidat (ou l’inverse). Mais le patriotisme est peut-être ailleurs. François Bayrou évoquait, à propos de cette déclaration de guerre aux très riches, « le déconomètre (qui) fonctionne à plein tube », célèbre phrase de Michel Audiard. 

Au lieu de courir après Mélenchon en reprenant ses airs à succès, François Hollande gagnerait en crédibilité en expliquant clairement ses intentions, tant en ce qui concerne la fermeture de 20 à 25 réacteurs nucléaires (dont on ne parle quasiment plus depuis la vague de froid et la pénurie possible d’électricité), l’embauche de 60.000 fonctionnaires dans l’Education Nationale, voire quelques dizaines de milliers de plus dans d’autres services publics, en passant par la politique fiscale globale et non celle de 1% de contribuables, le devenir du quotient familial, et comment, accessoirement, il compte réduire la dépense publique qui devra impérativement passer de 55% du PIB cette année à 48% en 2017, soit à la fin du mandat à venir, avec en prime une réduction du déficit de 3% du PIB à 0% dans le même temps. Et ce n’est pas en imposant davantage les « très riches » à 75% qu’on financera cet effort colossal. Pas plus avec la restauration du « rêve français ».

La barre à gauche, on le sait, implique toujours un accroissement des dépenses sociales (déjà les plus fortes au monde), accroissement qui pèsera forcément de plus en plus lourdement sur la production, ce qui aura pour effet un rendement social décroissant, donc un chômage en hausse. Nœud gordien ou histoire de l’œuf et de la poule ?...

Nous avons aujourd’hui absolument besoin de gagner de l’argent, et cet argent ne peut plus venir d’un financement public à crédit, mais de revenus liés à l’exportation. C’est là qu’on trouvera le cash nécessaire à notre économie. Mais pour exporter il faut fabriquer. L’industrie représente 80% de nos exportations, mais celle-ci a chuté énormément au cours de la précédente décennie, donc moins d’industries c’est moins d’exportations et moins d’argent. C’est là que l’effort doit être massif, et c’est bien sûr du côté du coût du travail qu’il faut agir, c’est lui qui tue notre production. Ce coût est aujourd’hui le plus élevé du monde à cause du poids de nos cotisations, donc de nos dépenses publiques. Nous voici bien loin de la posture communicante annonçant un coup de gourdin à 75% sur les « très riches ». Et si c’est cela le fameux « rêve français » du candidat Hollande, alors oui, nous sommes bien au « pays bas ».

 

 

Jérôme Nimaud

 

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