« Aurait-on reçu un génie ou un fou ? »
C’est cette vision de Barcelone que nous allons vous faire partager, plus particulièrement celle de Gaudi i Cornet, né en 1852 et tragiquement décédé en 1926, renversé par un tramway.
On disait de lui qu’il était le plus Catalan des Catalans, un militant qui oeuvrait pour une Catalogne indépendante intégrée à l’Europe (déjà !). Une ouverture vers les autres qui favorisa à Barcelone l’éclosion de l’Art Nouveau, le « Modernisme » dont la première mention date de 1884, et la première réalisation (due à l’architecte Montaner) de 1888 avec le Grand Hôtel de l’Exposition Universelle.
En cette seconde moitié du 19e siècle, l’expansion est le maître-mot ici : les remparts ont sauté en 1854 et la surface de la ville a déjà doublé avec une population qui sera vite multipliée par quatre.
Gaudi, qui vient de réussir son examen d’architecte – « Aurait-on reçu un génie ou un fou ? » diront certains -, s’en va étudier à Carcassonne l’œuvre de Viollet-Le-Duc qui a restauré les remparts. Mais alors que ce dernier prônait la recherche de nouveaux matériaux pour dépasser le Gothique, Gaudi choisissait de tout faire avec la brique et la pierre. A l’instar d’Otto Wagner à Wien, il privilégiait les matériaux nobles.
Les bonnes rencontres
Barcelone change, l’industrie et le commerce développent les fortunes, et les bourgeois qui ont réussi dans les affaires aiment s’entourer d’artistes. C’est aussi le moment choisi par des milieux intellectuels pour militer en faveur d’une réhabilitation d’un passé glorieux.
De son côté, Gaudi n’a pas encore développé de style, suivant diverses influences. En 1878, il obtient une commande de la ville : un réverbère ! Mais les mécènes vont débarquer dans sa vie. Ils s’appellent Manuel Vicens i Montaner et Eusebi Güell.
L’une des premières commandes importantes concernera la poursuite d’un chantier (dont on va parler durant plus d’un siècle !), celui de la « Segrada Familia », cette cathédrale que Paula de Villar commença et que Gaudi ne finira jamais puisque le chantier se poursuit encore aujourd’hui. En cette année 1883, c’est le coup de pouce dont l’architecte a besoin.
A cette époque, d’autres projets de Gaudi seront présentés à l’Exposition Universelle de Paris. Et ce sera le prétexte à une autre rencontre, la plus importante de sa vie, celle qui le liera avec l’industriel Eusebi Güell, cité plus avant. De cette complicité naîtront différentes réalisations, souvent plus folles et plus incroyables les unes que les autres, que ce soit le palais Güell ou encore la Finca Güell.
Le marginal
Gaudi est un marginal dans son métier, et comme Otto Wagner (encore lui !), il va petit à petit peaufiner sa marque de fabrique. Après les lignes strictes du Gothique, il va faire du Gaudi, colonnes inclinées conçues avec la pierre, ornements en céramique, murs carrelés, et cette obligation de ne jamais laisser les angles s’affirmer en tant que lignes acérées. Les rondeurs, les boursouflures, les alvéoles et autres tourelles de style mauresque, marquant au passage huit siècles d’occupation arabe, prennent le pouvoir. Ses maisons seront des oasis d’originalité qui vont étonner des générations de visiteurs. Alors, visite…
Les maisons de Gaudi à Barcelone
Visiter Gaudi en ville, c’est partir pour une balade de deux jours à travers différents quartiers, du Port aux grandes avenues, du bout de la Diagonale au Parc Güell.
« L’art est la beauté et la beauté l’éclat de la vérité sans laquelle l’art n’existe pas »
(Antoni Gaudi)
Palais Güell
Dans une ruelle qui mène aux Ramblas, ce palais, édifié pour un riche industriel, fut bâti sur trois niveaux en pierre grise, et il se distingue par ses deux énormes portails en arc. L’intérieur est une débauche de vitraux, stucs, plafonds en hêtre sculptés, le hall est surmonté d’une coupole ajourée qui laisse passer la lumière. Sur le toit-terrasse, mêmes les aérateurs sont décorés.
Casa Batllo
Construite entre 1904 et 1906, elle est le symbole le plus visible de la présence de Gaudi au cœur de la ville, surtout parce qu’elle se trouve Passeig de Gracia, un peu les Champ-Elysées locaux. Accolée à deux autres maisons Art Nouveau, elle se distingue par ses colonnes en forme de pattes d’éléphant, ses balcons en nid d’oiseau, et un incontestable embonpoint général. Tout est mouvement sur cette façade qui n’est pas sans nous rappeler la mer toute proche, quasiment au bout de l’avenue. A l’intérieur, encore des colonnes et des formes sans angle ni ligne droite qui évoquent la pâte à modeler. Une sorte de maison sortie d’un conte de fée !
Casa Milà ou « Pedrera »
A peine eut-il terminé la Batllo, que le chantier de la Casa Mila, quasiment en face de la précédente, débutait. C’est la maison troglodyte dont la façade en calcaire à boursouflures et alvéoles fait songer à un énorme pâté. Là encore, nous retrouvons les mosaïques et les céramiques, plus un toit-terrasse habité par ces étranges cheminées à forme humaine. Le dernier étage de la maison abrite un musée où la technique de l’architecte est disséquée à l’aide de très belles maquettes.
Casa Vicens
Plus modeste que les précédentes, bâtie dans une ruelle (Calle des Carolines) pour un fabriquant de briques et de carreaux (qui a dû fournir les matériaux !), la Casa Vicens est un collage de styles entre tradition espagnole et occupation arabe : tours couronnées, motifs multicolores sur des carreaux, portail « en soleils » comme pour attirer la lumière dans une modeste ruelle.
Une cathédrale et un parc
La Sagrada Familia
Commencée en 1883, la construction de cette église est restée inachevée : « Elle est l’inhérente et digne représentation en pierre de l’Esprit » écrivit Sullivan, l’architecte américain célèbre pour sa formule « la forme suit la fonction. » On ne sait qui suit l’autre, mais force est de reconnaître que cette église, qui devait inclure cinq nefs et un transept à trois nefs, est devenue une sorte de lien entre un siècle finissant et un siècle débutant, et ainsi de suite du 19e au 20e, et du 20e au 21e siècle, un lien quelque peu irréel au cœur d’un quartier d’habitations.
Au Parc Güell
La ville-jardin à Barcelone. Du moins tel était le souhait des promoteurs de ce projet qui comprenait soixante parcelles pour une cité modèle. A l’arrivée, seulement deux maisons seront édifiées par Gaudi au milieu d’une pinède et de palmiers. La ville se désintéressa très vite de ce projet.
Aujourd’hui, le Parc Güell est l’un des lieux de promenade préféré des Barcelonais. Outre les maisons, on peut y admirer la folie de Gaudi à travers les fontaines délirantes, le banc géant en mosaïques qui sillonne le parc, le portique et les colonnes doriques qui supportent le théâtre grec.
Cette balade bucolique au Parc Güell nous permettra de reprendre quelques forces après un périple terriblement éprouvant… pour vos chaussures !
Où trouver les œuvres de Gaudi à Barcelone ?
- Casa Vicens, carrer de les Carolines 18
- Sagrada Familia, plaça de la Segrada Familia
- Pavillons du Domaine Güell, avinguda de Pedralbes 7
- Palais Güell, carrer Nov de la Rambla 3-5
- Parc Güell, carrer d’Olot
- Casa Batllo, Passeig de Gràcia 43
- Casa Mila, la Pedrera, Passeig de Gràcia 92
- Casa Calvet, carrerde Casp 48
- Eglise de Sant Pacia, calle del vallès 40
LE CHRONIQUEUR
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