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La toile et le voile

26/03/2012
Le jour où Mohamed Merah, le meurtrier de Toulouse, était abattu, Nicolas Sarkozy proposait de pister les internautes habitués des sites djihadistes, une idée aussitôt critiquée par certains qui ont vu là une atteinte aux libertés, mettant en avant les recherches effectuées par exemple par des journalistes. Evidemment, on peut ne pas faire l’amalgame entre quelqu’un qui consulte ces sites à titre professionnel, soit pour rédiger un article ou préparer un rapport, et celui qui passe des heures sur la toile à consulter le djihad virtuel dispensé par les conférenciers d’Al-Qaïda depuis quelques bases montagnardes à la frontière pakistano-afghane.

 

« Vous avez de nouveaux amis »…

Autre argument anti-flicage : sans internet, les révolutions arabes n’auraient jamais vu le jour. Certes, mais aujourd’hui qu’en est-il réellement de ce printemps qui devait ouvrir la porte aux libertés, qu’en est-il de cette démocratie promise ? A Tunis, on manifeste afin de réclamer l’instauration de la charia, au Caire, les Frères Musulmans avancent leurs pions jour après jour, en Libye on ne sait plus qui commande, qui possède les armes, qui a vraiment chassé Kadhafi, et en Syrie, on imagine que dès que la Russie et la Chine auront lâché Damas, le régime laissera la place aux barbus. Bref, à qui profite(ra) la révolution ?

Sur la toile, Al-Qaïda se fait chaque jour de nouveaux « amis », et un pays comme la France est probablement un « gros client », la population musulmane y est importante, la plus importante d’Europe, et même s’il ne faut jamais faire d’amalgame, il est évident qu’à l’autre bout du réseau de nombreux jeunes paumés, sans véritable plan de vie, souvent désocialisés – mais pas toujours ! -, stigmatisés par leur haine de l’Occident et de ses valeurs dites laxistes, peuvent adhérer à cet appel au djihad. On sait que plusieurs centaines de fondamentalistes sont aujourd’hui identifiés en France, mais on ne sait pas combien de Merah sont prêts à passer à l’acte du jour au lendemain. Alors la question se pose : doit-on fliquer tous ceux qui ont passé des « vacances » au Pakistan, en Afghanistan, en Egypte, ou demain pourquoi pas, en Tunisie ?

 

L’argent ne manque pas

Tuer, ici en France, pour venger les enfants palestiniens, tuer pour protester contre la présence de l’armée française en Afghanistan, pourquoi ne pas tuer à cause du passé colonial de la France ? « Honneur à Mohamed Merah », les tags ont fait leur apparition très vite dans quelques quartiers dits à la dérive ; à la cité des Izard à Toulouse, où Merah a grandi, une marche de femmes voilées a même été improvisée, avant d’être dispersée par la police. Quel est ce monde de dingos ?

Mohamed Merah bénéficiait du RSA, de la CMU, de ces aides financées par le contribuable au nom de la solidarité. Sans travail, pauvre donc, il disposait de beaucoup d’argent. Cela surprendra-t-il encore quelqu’un ? L’argent sale coule à flot dans ces banlieues, tout le monde fait semblant de l’ignorer. Mais un jour, cet argent servira à punir les Français, et d’une manière telle que cette violence balaiera toutes nos certitudes suffisantes.

 

Nos vieux démons…

Notre problème, reconnaissons-le, est lié au discours ultra sécuritaire et ultra nationaliste du Front national. A partir de ce constat, les partis dits républicains se sentent obligés de dédramatiser afin de désamorcer très vite des demandes de fermeté qui proviendraient de la population. Demandes légitimes. Et pour tuer le débat, on évoquera ce fameux « populisme », si pratique pour zapper la difficulté du moment.

Et quand un drame surgit tout le monde condamne, chacun se dit choqué… mais, il y a souvent un « mais » qui entrouvre une porte donnant sur des excuses. Ces excuses, on les connaît : des quartiers à forte précarité, une scolarité en pointillés, le chômage, le racisme, l’exclusion… et on arrive même à la colonisation, tout le mal que la France a fait, et donc la justification d’une vengeance. Mais il est aussi facile de s’exclure en refusant toutes les mains tendues, toutes les possibilités d’insertion offertes par la République.

Le pire, c’est que d’ici à quelques mois tout sera « rentré dans l’ordre », et nous reverrons lors de manifestations, comme à Paris en janvier 2009 pour le soutien à la Palestine, des banderoles sans ambiguïté, « Palestine vivra, Israël crèvera ! ». Et ce jour-là, dans le défilé, se trouvaient quelques candidats à la présidentielle d’aujourd’hui.

En fait, ces fondamentalistes s’appuient sur nos vieux démons, la dénonciation permanente de notre ex-politique coloniale, le soi-disant racisme des Français montré du doigt par ces associations toutes puissantes (on l’a vu avec la loi sur l’interdiction du port du voile dans les lieux publics), sans oublier un vieux fond d’antisémitisme. Les idées sont là, les combattants potentiels également, et les moyens financiers existent. Il ne manque qu’un ordre pour passer à l’acte.

Alors, pour revenir aux propos du début, oui, fliquons les abonnés aux sites djihadistes, de plus ces sites ne sont pas très nombreux, donc les couper serait chose aisée. 

 

Jérôme Nimaud

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