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Bayrou a-t-il encore un sens ?

04/05/2012
« Le voici condamné à se fondre dans la gauche ou à mourir, il va devenir la petite monnaie parfois nécessaire pour faire un compte rond »

 

J'écrivai cette phrase il y a deux ans à propos de l’avenir politique de François Bayrou dans un article intitulé «Le centre a-t-il encore un sens ?».

Désolé de me citer, c’est promis je n’y reviendrai plus, mais entre nous, que pourrait-on changer aujourd’hui après la déclaration solennelle du général Bayrou depuis le Béarn libre ? Si je suis bien l’actualité et les propos de ses nouveaux partenaires politiques, il vient de dire non à Pétain !

Un choix libre

Bien évidemment, François Bayrou fait ce qu’il veut de sa voix, mais en expliquant son vote, lié à une certaine « cohérence nationale », sans doute histoire d’unir les molécules anti-fascistes, a-t-il le droit de se moquer ainsi de ses électeurs, ceux qu’il n’a pas cessé de prévenir des risques économiques que le pays encourait si François Hollande était élu ? A-t-il le droit de faire connaître publiquement son choix de rallier un camp dans lequel se sont déjà ralliés les drapeaux rouges à faucille et marteau de Jean-Luc Mélenchon et du Parti Communiste ?

Vous me direz, déjà en 2009, son adjointe Marielle de Sarnez dansait la Lambada à Marseille sur une estrade dressée par Vincent Peillon et Robert Hue !

De François Bayrou, il eut été cohérent que l’on entendît une annonce d’une totale neutralité : ni Sarkozy, ni Hollande, du moins de la part du chef, les électeurs demeurant libres de leur choix une fois dans l’isoloir.

 

Un précédent

L’affaire n’est pas nouvelle, souvenons-nous qu’en décembre 1965, le centriste Jean Lecanuet, fort de ses 15,5% au premier tour de l’élection présidentielle, avait appelé à faire barrage au Général de Gaulle, offrant ainsi un soutien indirect à François Mitterrand. Et c’est ce même Jean Lecanuet que l’on retrouvait au sein de la coalition RPR/UDF opposée à François Mitterrand durant les années 80. Comme quoi l’histoire du vent et de la girouette, si chère à Edgar Faure, un spécialiste de ce genre météorologique, a encore de l’avenir. Sûrement davantage que François Bayrou lui-même qui, en soutenant François Hollande, fait un pari de professionnel du casino : miser sur la victoire du PS en espérant un éclatement de l’UMP afin de récupérer la mise pour la prochaine fois ! Pas sot. Mais encore faut-il avoir la carrure pour maîtriser et gérer un tel coup fourré, en clair un groupe parlementaire et beaucoup d’élus locaux. Mais quand on n’arrive même pas à gagner la ville de Pau, on n’envisage pas d’avaler un boeuf…

 

La queue et les oreilles

D’aucuns pensent désormais que François Bayrou vient de se suicider politiquement. Déjà, son score inférieur aux mythiques 10% le 22 avril dernier ne lui laissait guère d’espérance pour la prochaine tournée de législatives. Avec son ralliement à François Hollande, il disparaît totalement des écrans radar à droite, et ne sera, pour reprendre l’expression du début, que de « la petite monnaie » pour une gauche triomphante – et qui se montrera dédaigneuse - en cas de victoire de François Hollande. Mais Bayrou ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. En se positionnant comme l’éternel recours, il a fini par oublier l’essentiel : c’est la prospérité et une mer d’huile qui peuvent porter le centre au pouvoir, jamais les conflits, jamais les périodes de crise. Il n’y eut pas de place pour le centre en 1938/1939, pas plus lors du conflit algérien, ni en 1968… Valérie Giscard d’Estaing rafla la mise après que de Gaulle et Pompidou eurent fait le boulot de la reconstruction économique et de la modernisation industrielle, et il gagna l’élection présidentielle de 1974 « coopté » par une droite alors en attente d’un chef. Ce sera Chirac, et le centre retournera à ses études.

Alors, le centre a-t-il un sens aujourd’hui ? Non, ont dit les électeurs, les incertitudes liées à la crise ont rouvert le débat droite-gauche comme jamais, et dans cet affrontement, la place de François Bayrou est si petite qu’il risque de disparaître définitivement de la ligue 1 de la politique. Ses troupes iront rejoindre leur compagnie respective, l’UMP ou le Nouveau Centre, le PS, les écologistes, puis c’est le MoDem qui déposera le bilan. Maigre bilan finalement. 

Le Béarnais pourra toujours se souvenir qu’il a raté le coche en 2007. A ce moment-là, il avait un réel pouvoir entre les mains, ses 18% étaient un atout qu’il n’a pas su utiliser. A 9%, c’est déjà une autre histoire, une petite histoire.

 

J. Nimaud

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