Aux abris !!!
Le problème, c’est que crises et bulles nous pètent désormais à la figure, on sait que nos propres banques perdent beaucoup d’argent avec ce maelstrom financier. Le blues va résonner de ses trois accords encore pas mal de temps sur les places boursières, et quand ça va mal à la bourse, ça va mal partout, un peu comme dans le bâtiment !
Alors nous allons encore nous indigner, taper sur des casseroles, descendre dans la rue, ressortir de vieux fanions estampillés « Rêve des Soviets ! », nous la péter lutte des classes en faisant semblant d’ignorer que ce ne sont pas les politiques qui sont responsables de cette situation, mais les citoyens de tous ces pays aujourd’hui contaminés par cette peste moderne appelée « la dette ». Et ce n’est pas en décrétant la croissance sur les marches de Matignon ou de l’Elysée que l’on échappera au désastre en préparation. Chacun va vite s’apercevoir que notre nouvel Ubu ne marche pas sur l’eau et ne sait pas transformer la ferraille en ne serait-ce que du plaqué or.
« Payez vos taxes et vos impôts » lâchait récemment – et peut-être un tantinet maladroitement – Christine Lagarde la patronne du FMI à nos voisins Grecs… qui se sont sentis humiliés. Mais chacun sait que la Grèce vit très au-dessus de ses moyens depuis que la lurette est belle, que le cash y circulait (circule encore) comme nulle part ailleurs, que le job au noir avait pris des allures de sport national, et il serait trop facile d’évacuer aujourd’hui des problèmes collectifs en mettant au pilori les armateurs et l’église orthodoxe. En pleine crise, la Grèce consacrait 54% de son PIB aux dépenses publiques, seules la France et la Suède faisaient mieux, mais avec d’autres richesses.
Tout attendre de l’Etat et ne rien donner (ou le minimum) à ce même Etat mène inéluctablement à la faillite. Le bilan des ex-pays satellites de l’Union Soviétique aurait dû nous alarmer. Lorsqu’un pays a dépassé 100% de son PIB en dette publique (159% pour la Grèce), la faillite est de fait.
Depuis deux ans, les Européens, c'est-à-dire des Français, des Allemands, des Hollandais et bien d’autres ont donné beaucoup d’argent à la Grèce, et ces mêmes Grecs nous expliquent qu’ils ne rembourseront pas, mieux qu’ils voteront à l’extrême gauche le 17 juin, et qu’on l’aura bien dans le dos ! Mais arrêtons de danser le Sirtaki en se tenant par les épaules : s’ils veulent quitter l’euro et l’Europe des 27, qu’ils s’en aillent.
La dette, quelle dette ?
« A beaucoup appris qui a beaucoup peiné » disait-on dans le temps… disons au 14ème siècle. Nous aurons beaucoup appris lorsque nous aurons peiné au moins dix ans avant de retrouver quelques marges de manoeuvre permettant d’ouvrir à nouveau les robinets sociaux. Nous n’avons donc pas fini d’être des indignés ! Oui. Mais des indignés qui ont passé ces vingt ou trente dernières années à ne rien vouloir entendre, à ne considérer que leur bien-être du moment au détriment des générations à venir.
La dette, quelle dette ? Même pas grave, l’Etat trouvera toujours à faire les poches de quelqu’un. Et l’Etat a fait les poches, pas de quelqu’un mais de tout le monde, au moins ceux qu’on nomme « contribuables directs », puis après les poches les tiroirs, puis les contrats d’assurance vie et autres placements à coups de RDS et CSG (un truc inventé par Michel Rocard, un socialiste d’ailleurs !), puis on a fait payer les entreprises, on pensait même pouvoir mutualiser la dette en signant pour Maastricht et l’Euro. Le citoyen a trouvé ça bien, moderne pour ne pas dire branché. Ceux qui étaient contre n’étaient que des ploucs, des bouseux !
Et pour accompagner cette modernité, nous avons pensé que l’industrie allait faire tâche dans le décor. Alors on a démonté l’industrie (-36% d’emplois dans ce secteur entre 2000 et 2010) en compensant par une forte expansion de la dépense sociale. Résultat, coût du travail trop élevé, moins d’industrie, donc moins d’exportations, donc moins d’argent. Mais comme le soleil regarde l’Equateur de très haut, du solstice à l’équinoxe, nous regardions l’argent de très haut !
Et on s’est retrouvé à poil, l’Etat, les régions, les communes, tout le monde a vécu à crédit parce que les citoyens demandaient encore plus, encore plus ! Ne perdons jamais de vue cette évidence qui dérange, ce sont les citoyens qui demandent aux politiques qui eux-mêmes disent oui pour se faire élire ou réélire. Et nous avons demandé des aménagements hors de prix jusqu’au cœur des plus petits villages, et des transports gratuits, et des emplois dans les collectivités pour le grand fils ou la petite nièce, et des chèques de ceci et de cela, et des allocations pour tout, on a même inventé une nouvelle profession, « mère isolée » pour celles qui auraient l’idée de se faire engrosser dès la sortie du collège. Et ça marche, il y en a des bataillons.
Le château tombe en ruines
Tout allait à peu près bien lorsque nous étions les châtelains de la planète. La vieille Europe commerçait, allait se servir au bout du monde pour ses bonnes œuvres industrielles, elle fabriquait, elle exportait, bref on appelait ça l’expansion et la croissance. Mais depuis que nous savons que les Chinois sont 1,4 milliard et les Indiens pas loin derrière, que sur 7 milliards de Terriens 60% sont sur le continent asiatique avec une envie folle de manger à leur faim et de fabriquer des trucs à nous fourguer pas cher pour produire du cash, nous venons de comprendre que le vieux château prenait l’eau de toutes parts.
Alors les vieux démons ressortent de leur boîte : « il faut faire payer les riches ! », « il faut taxer davantage les revenus du capital », « il faut partager le travail »… en fait tout ce qui ne marche pas, ne marchera jamais.
Nous avons une dette, nous devrons la payer, la payer en travaillant plus et plus longtemps, et en réduisant de manière colossale nos dépenses publiques. Les Grecs paieront leur dette, comme les Espagnols, comme les Portugais, comme nous paierons la nôtre.
C’est un chantier de dix ans, dix années à passer dans le costume de la fourmi après avoir été travestis en cigales durant trente ans. Une chose est sûre, nous ne stimulerons pas la consommation avec de la dépense publique financée à crédit.
Oui, nous n’avons pas fini d’être indignés…
J. Nimaud
LE CHRONIQUEUR
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