En Champagne, « au temps des Romains et de l’évêque de Reims, Saint Rémi, on ne buvait que du vin tranquille, puis il s’est mis à mousser et c’est devenu un vin diable, un vin saute-bouchons. » Eugène Mercier n’a jamais été tranquille, lui aussi est né diable, et il a grandi saute-bouchons. Différent, il est devenu quelqu’un.
Eugène Mercier naît en 1838 à Epernay. Enfant naturel, souvent traité de batard, il ne saura jamais qui était son père. Il est un enfant intelligent, doux, travailleur. Sa mère est couturière. A treize ans, il part travailler chez un viticulteur. A cette époque, le commerce du Champagne est récent. Les vignerons boivent leur vin tranquille, le vin effervescent est exporté, c’est un produit de luxe, réservé aux élites. Les grands noms se retrouvent sur les tables des cours d’Europe et même en Amérique.
Eugène Mercier a appris la viticulture, la tonnellerie, l’embouteillage, la conservation, le conditionnement du Champagne. Commis chez un notaire, il s’est initié aux écritures, aux transactions. Mais il ne veut plus travailler pour les autres. Il est pauvre, mais « riche d’idées, d’énergie et d’audace. » Il veut que le vin des rois devienne le vin des fêtes, que le Champagne soit accessible à toutes les bourses. « Vendre le meilleur vin pour en vendre plus, et en vendre plus pour le vendre moins cher ». A vingt et un ans, il sort ses premières bouteilles millésimées.
C’est un visionnaire et un génie : il a inventé un système de galeries creusées dans la craie, il fait communiquer ses caves avec le chemin de fer, caves éclairées à l’électricité et desservies également par un ascenseur électrique. Il a fait construire le plus grand foudre en Hongrie présenté à l’Exposition Universelle de 1889. A celle de 1900, son nom ornait un ballon captif, et il commanda aux Frères Lumière le premier film publicitaire de tous les temps…
Ca c’est l’histoire, la vraie, celle que nous livre Lorraine Fouchet, dont il était l’arrière-arrière grand-père. Mais comme elle est également romancière, elle nous offre ce roman où elle a mêlé la fiction à la biographie, inventant un journal intime qu’aurait tenu Eugène, des amis et un lourd secret de famille que découvrira Mary, une américaine, un siècle plus tard.
Un roman très intéressant à la mémoire d’un pionnier.
LE CHRONIQUEUR
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