Une tornade d’austérité !
« J’appelle à l’effort national mais je refuse l’austérité » avertit le Premier Ministre. Mais à ce rythme d’augmentation des prélèvements et autres impôts, l’effort nous mène à l’austérité et le vent qui souffle aujourd’hui va très vite prendre des allures de tornade qui va s’abattre sur nos entreprises.
Comment ne pas être inquiet en constatant que durant ces deux journées de la conférence sociale, pas une fois le mot « compétitivité » n’a été prononcé, alors que 56% des richesses produites sont recyclés par l’Etat et qu’apparemment, le compte n’y est pas ? Chaque centime supplémentaire pris dans notre poche conduit à une baisse de pouvoir d’achat.
Il n’y a pas si longtemps, Bernard Thibault, le patron de la CGT, tranchait sans fioritures en affirmant que « les entreprises disparaissent parce qu’on valorise davantage le capital que le travail ». Mais quelle méconnaissance du monde de l’entreprise. Comment penser que les millions de PMI et PME soient aujourd’hui en position de valoriser un quelconque capital ? Nos entreprises disparaissent parce que la France a fait le choix de valoriser ses agents d’un côté, et l’assistanat de l’autre. Nos fonctionnaires représentent désormais le principal bataillon du pays, la masse salariale publique est de 260 milliards ; et à l’autre bout, on trouve les transferts sociaux représentant eux quelque 40% de notre PIB (avec une dette sociale qui grandira de 35 à 40 milliards cette année). Voilà comment disparaissent nos entreprises Monsieur Thibault.
La « méchante » entreprise
Mais las ! Que ce soit à l’école ou dans les médias, donc là où l’on apprend des choses enfants et adultes, l’entreprise est systématiquement dénigrée, c’est le lieu honni où l’Homme est exploité par un patron voyou. Et lorsqu’une entreprise licencie c’est forcément par plaisir sadique.
Un exemple qui illustre cette ignorance, quand il ne s’agit pas de mépris, de nombre d’élus (pas tous quand même !) envers le monde de l’entreprise : la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires va toucher quelque neuf millions de salariés. Mais on nous le répète, les classes moyennes ne seront pas concernées par les nouvelles mesures fiscales. Pourtant, cette défiscalisation apportait du bonus au salarié et un peu de flexibilité à l’entreprise. Une sorte de bouffée d’air au milieu d’une réglementation asphyxiante, rigide et coercitive. Je n’irai pas jusqu’à dire que le Code du Travail tue le travail, mais on peut parfois y songer…
Allons voir les Helvètes
Oui, traversons la frontière et allons en Suisse, puis nous retournerons en France du côté de Mulhouse.
En Suisse, pays dit propre, parfois ennuyeux, d’environ huit millions d’habitants, pays attaché à sa neutralité y compris vis-à-vis des institutions européennes et de l’euro, le Code du Travail nous le rappelle, la durée légale est de 42,5 heures par semaine, les congés payés sont de quatre semaines, les Suisses ont même massivement refusé par votation l’hiver dernier (près de 70%) de passer aux cinq semaines de congés payés. En Suisse, il n’y a pas de SMIC national mais un salaire minimum dans certaines branches. Enfin, un employeur peut licencier sans justification.
Mais en Suisse, le salaire moyen est de 25 à 30% supérieur au français, et surtout, on ne compte que 3,3% de chômeurs (chiffres avril 2012) contre près de 10% en France.
Bien sûr, on pourra rétorquer qu’il est plus facile de prospérer avec 8 millions d’habitants qu’avec 65 millions. Même pas sûr ! Il est surtout plus facile de prospérer lorsqu’on a encore un vrai tissu industriel implanté sur l’ensemble du territoire, avec principalement des industries high-tech pourvoyeuses d’exportations et de plus-values.
Tiens, à ce propos, savez-vous que l’excédent du commerce extérieur suisse est d’environ 70 milliards d’euros, quasi le même montant que celui de notre déficit au commerce extérieur ? D’ailleurs, la Suisse fait partie des pays dont le commerce extérieur contribue le plus au PIB. Et ce n’est pas la Chine le premier client du pays mais l’Union Européenne (58,6% des exportations).
La culture de l’entreprise
La formation joue également un rôle important dans cette culture de l’entreprise, et son corollaire est un chômage des 15-24 ans à 7,2% contre 22,5% chez nous (l’école est obligatoire en France jusqu’à 16 ans).
Plus globalement, 79% des 15-64 ans suisses sont au travail, contre 64% en France.
Et qu’on ne vienne pas nous expliquer ces écarts par une prétendue sous-protection sociale. Les Suisses cotisent à l’allocation vieillesse, pour le chômage, pour les allocations familiales, la maladie, l’invalidité, la perte de gain… mais apparemment pas dans les mêmes proportions que nous. Mais remettons-nous sur le métier…
85% de la prospérité suisse est d’origine industrielle. Quand on gagne de l’argent en fabriquant et en vendant quelque chose, et qu’on laisse une part plus importante de ces gains à ceux qui travaillent, forcément les comptes sont mieux équilibrés que lorsque l’Etat confisque le maximum pour le redistribuer à sa manière. D’un côté vous avez un pouvoir d’achat identifié, réel et disponible, de l’autre un pouvoir d’achat potentiel, on dira « globalisé », mais flou car le système se cannibalisant vous n’avez plus de réels repères entre la pression fiscale et les hausses des charges sociales. Regardez votre fiche de paie : est-ce que vous avez tout compris sur qui fait quoi là où vous cotisez obligatoirement ?
Et pourtant, sommes-nous si éloignés de nos voisins helvètes, même si souvent nous avons du mal à nous comprendre, ce qui est sans doute dû à la mentalité de ce petit pays coincé entre trois cultures, française, germanique et italienne, coincé et peut-être isolé volontairement ? Mais sur le fond, ont-ils tort de privilégier le travail avant les loisirs ? Car pour un Suisse, le travail est tout, c’est une place dans la société, quasiment un devoir, l’homme au travail est au service de son pays. Franchement, voyez-vous l’idée du travail ainsi ? Très majoritairement, les Français le disent, leur vie est en-dehors du travail, c’est en-dehors du travail qu’ils se réalisent, qu’ils s’expriment vraiment. Où ça, devant un excellent Marseille-Valenciennes, le samedi au supermarché, le dimanche près du suicide vers 17h30 au bout du bout de l’ennui ?
Pourquoi Mulhouse ?
Oui, plus avant j’évoquai la ville de Mulhouse. En fait, il s’agit d’une histoire qui remonte à 1949 lorsque la France et la Suisse ont passé un accord pour la construction d’un aérodrome commun aux villes de Mulhouse et de Bâle. La France fournissait les 530 hectares, et la Suisse équipait l’aérodrome… qui est devenu aujourd’hui le 5ème aéroport français (hors Paris) et le 3ème suisse.
Parallèlement à cette activité aéronautique, deux zones industrielles furent créées dans les années 70, toutes deux sur ce site de Mulhouse, l’une de droit français, l’autre de droit suisse. Aujourd’hui, la zone industrielle régie par le code du travail suisse emploie quelque 6.500 personnes dont environ 5.000 Français qui travaillent avec des contrats suisses. C’est ici que se trouve le grand centre d’entretien et d’aménagement d’avions de luxe : technologies de pointe et salaires médians d’environ 5.000 € pour 42,5 heures de travail hebdomadaires et 4 semaines de congés payés par an.
Quant à la zone industrielle française, on dira qu’elle se cherche, qu’elle réfléchit…
Mais comme nous sommes de mauvais perdants, un arrêt de la Cour de Cassation de 2010 a décidé que les entreprises suisses installées sur le site de l’aéroport de Mulhouse seraient désormais régies par le code du travail français : cocorico !
La réplique n’a pas tardé, plus vite qu’un coucou local, les Suisses ont menacé de plier les gaules et de s’installer sur l’aéroport de Zurich. Il aura fallu que des élus montent au créneau pour calmer l’affaire… qui n’est pas terminée.
5.000 Français qui ont leur emploi sur cette zone pourraient se retrouver au chômage. Oui, là c’est bien notre code du travail qui tuerait le travail !
Richelieu pour conclure
Essayons un jour de poser le problème autrement pour se demander à quel moment on bascule du côté négatif de la compétitivité. Mais peut-être a-t-on trop peur de découvrir l’évidence : on bascule au moment où l’Etat confisque plus de la moitié du fruit de notre travail. Et rappelons-le, nous en sommes à 56% recyclés par l’Etat.
Pour ma défense, j’en appellerai à Richelieu. Autre temps, autres priorités certes, mais quand même, écoutons-le… « Les dépenses absolument nécessaires pour la subsistance de l’Etat étant assurées, le moins qu’on peut lever sur le peuple est le meilleur. Pour n’être pas contraint à faire ces grandes levées, il faut peu dépenser, et il n’y a pas meilleur moyen pour rendre les dépenses modérées que bannir toutes les profusions et condamner tous les moyens qui sont à cette fin. »
Autre chose ?
Jean-Yves Curtaud
LE CHRONIQUEUR
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