Se renier ou fronder ?
« L’Europe sociale est notre objectif » rappelait Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux Affaires Européennes, au début de l’été, on allait donc voir de quel bois se chauffait la nouvelle majorité. Aux portes de l’automne, force est de constater que le bois s’est transformé en brindilles tout justes bonnes à allumer un calumet de la paix avec cette chère Angela Merkel !
Car aujourd’hui, le ministre qui vota non au référendum de 2005, est chargé de mettre les troupes de la majorité en ordre de marche avant ce vote d’octobre : « Une défaillance de la gauche compromettrait les chances de réorientation de la politique européenne » nous dit désormais le ministre Cazeneuve. Voilà comment un été peut changer les hommes et leur point de vue. Il lui reste à apprendre le grec moderne, celui que parle les Allemands pour condamner les irresponsabilités de nos voisins du Sud de l’Europe.
En fait, l’exemple du ministre des Affaires Européennes est symptomatique de l’attitude des socialistes depuis leur installation au pouvoir, on l’a constaté avec les expulsions de Roms, avec le nucléaire, on se souvient de la déclaration de Montebourg (même si le Président annonce la fermeture de Fessenheim pour bientôt), avec le non cumul des mandats ou encore ces fameux 75% de taux d’imposition qui ont vite pris des allures de peau de chagrin dans leur application, bref, les nécessités du quotidien ont vite fait de tordre le cou aux utopies et autres promesses électorales qui ne servent qu’à trouver ces quelques centaines de milliers de voix versatiles qui font et défont les majorités à chaque scrutin.
Mais là le problème est quand même beaucoup plus grave car il concerne les fondements mêmes de cette majorité qui, après tout, va des sociaux-démocrates aux staliniens, ce qui, vous en conviendrez, laisse de la place aux contestations et contestataires. Et on va les voir très rapidement dans les rues.
Footing militant
Mélenchon et compagnie, en gros le Front de Gauche avec PCF plus l’extrême gauche et des syndicats et collectifs remontés comme des coucous suisses, appellent déjà à faire un gros footing le 30 septembre, histoire de rappeler aux nouveaux députés leurs engagements de campagne, en gros vous nous avez chanté du Mozart au printemps et vous vous préparez à faire du Bach, donc de la rigueur, à l’automne, cette musique-là chauffe nos oreilles !
Disons-le, le danger est réel pour la majorité car c’est elle qui fera ou ne fera pas passer la règle d’or qui met la France, et notamment ses services publics, face à une logique comptable, et ce au moment où le gouvernement annonce des embauches massives dans la Fonction Publique alors que la croissance est au point mort.
De plus, on le sait, cette règle d’or enlève une partie de son pouvoir économique au parlement français, et c’est Bruxelles qui mettra les coups de règle (d’or !) sur les doigts des contrevenants.
L’erreur de François Hollande aura peut-être été de refuser un référendum sur ce sujet, une consultation réclamée par la gauche de la gauche, dont certes il n’a pas besoin pour faire passer ses lois, mais qui peut peser au moment des élections locales à venir. Parierait-il sur le fait que le PCF a besoin du PS pour sauver les quelques villes moyennes qu’il dirige et qu’il saura arrêter la contestation avant la rupture ?... A voir.
Austérité programmée
Seuls les utopistes d’une refonte d’un modèle soviétique peuvent encore croire que rien n’a changé ces dix dernières années, que la mondialisation n’est pas sans contraintes chez nous, et que l’on peut indéfiniment réclamer davantage de services publics et d’emplois qui vont avec sans se préoccuper de l’argent pour financer ceux-ci. Rappelons que d’après le classement du « Global Competitiveness report », la France se classe 116ème sur 142 pays en matière de lourdeurs administratives, une lourdeur qui nous coûterait chaque année de 3 à 4 points de PIB. C’est énorme !
« Je suis en situation de combat » disait récemment François Hollande lors d’une intervention télévisée. Il a raison, il va devoir sortir les gants de boxe, et peut-être quelques armes lourdes pour convaincre sa majorité « plurielle » de la pertinence de cette règle d’or qui fera bien de l’austérité une fatalité. Mais avons-nous le choix ?
Non, et les députés socialistes devront voter le Traité sur la stabilité, tout en faisant croire qu’ils sont contre. Exercice pas facile qui me rappelle Scarron parodiant Virgile : « J’aperçus l’ombre d’un cocher, qui tenant l’ombre d’une brosse, nettoyait l’ombre d’un carrosse. »
Version moderne : « J’aperçus l’ombre d’un socialiste, qui tenant l’ombre d’un programme, votait l’ombre d’une promesse… »
Jean-Yves Curtaud
LE CHRONIQUEUR
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