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Guérir les écrouelles

15/10/2012
Les retraités sont inquiets pour leur avenir, c’est ce que nous avons entendu après la décision du gouvernement de ponctionner les pensions de ceux qui sont imposables, et ce de 0,30 % chaque mois. Disons que sur une retraite de 2.000 €, ces 0,30% correspondront à environ 6 euros prélevés. Pas de quoi descendre dans la rue. Souvenons-nous qu’un peu plus au sud, ces mêmes pensions ont parfois été amputées de 20 à 30%. Mais on le sait, ici en France on a l’habitude d’avoir un malheur d’avance, même si il y a plus de beurre que d’épinards dans l’assiette. Sans doute un vieux réflexe datant des tickets de rationnement…
En tout cas, ce n’est pas cette micro ponction qui doit inquiéter les retraités français mais la froide certitude démographique en la matière. Nous comptons aujourd’hui environ 28 millions d’actifs (dont trois millions de chômeurs) pour 16 millions de retraités. L’évidence s’est posée sur le bout de notre nez, nous ne pouvons décemment plus faire semblant de ne rien voir, nous n’avons même plus deux actifs pour entretenir un retraité, ce qui, eu égard à la fabuleuse expansion de notre espérance de vie, aux progrès considérables de la médecine, et à notre indigence désormais chronique face au boulot, devrait être déclencheur d’une alarme permanente : nous allons vivre un séisme dont l’amplitude n’est même pas graduée chez Richter !

 

Pension de famille

Globalement, d’après de nombreuses études réalisées sur le sujet, la situation des retraités serait plus confortable que celle des actifs, même si la pension moyenne brute est de 1216 euros, ce qui la situe nettement en dessous du salaire moyen brut… sur lequel pèse il est vrai énormément de charges. N’oublions pas que majoritairement les retraités ne supportent plus de crédits immobiliers, souvent ils sont à la tête de pécules confortables, ce qui est normal après une vie de travail, et de surcroît, depuis quelques années, dans un même foyer l’homme et la femme perçoivent une pension. Voilà donc une génération de retraités plutôt bien préparés à vivre activement leur temps libre. Ils sont d’ailleurs de très gros consommateurs « de tout », notamment de voyages.

Mais cela ne doit pas faire oublier qu’environ un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté. Bien sûr, si vous percevez 800 euros de pension, si vous êtes propriétaire de votre logement et si vous possédez des économies confortables, il ne s’agit plus du même seuil où vit un retraité locataire, sans économies et avec également 800 euros de pension.

Il est donc normal que l’Etat intervienne à ce niveau-là, il en va de la dignité de celles et ceux qui ont travaillé toute une vie, entre autres pour le pays, mais sans avoir la chance de cotiser « du bon côté ». Il est aussi totalement inadmissible qu’un retraité perçoive, à quelques euros près, le montant de l’Allocation de Solidarité aux Personnes Agées (ASPA) qui alloue 709 euros mensuels à tout étranger de 65 ans autorisé à résider en France (1.157 euros pour deux conjoints), même si ce dernier n’a jamais mis les pieds sur le sol français auparavant, et donc n’a jamais cotisé le moindre euro (ceux qui douteraient de cet exemple peuvent vérifier sur www.immigration.gouv).

 

Tous à 1.500 euros ?

Finalement, la juste répartition ne consisterait-elle pas à verser à chaque retraité français la même pension de base, comme le font d’autres européens, le Danemark, les Pays Bas, l’Irlande, et ce quel que soit le montant des cotisations versées ?

Comment ? Mais il est fou ! Mais puisqu’on nous gave du levant au ponant avec la solidarité, mettons-là enfin en marche. Celui qui a eu un gros salaire et qui a davantage cotisé aura forcément des biens à l’heure de la retraite, disons qu’au même titre que les impôts il aura payé plus de cotisations. De plus, n’oublions pas les retraites complémentaires et la capitalisation qui viendront épauler le système de base (ce qui est la norme dans les trois pays cités plus avant).

Après tout, peut-on seulement mettre en exergue (et en stigmatisation) le scandale des écarts salariaux tout en taisant ces mêmes écarts sur les pensions ? Est-il normal qu’un actif puisse accéder à ses droits à la retraite dès l’âge de 55 ans (quand ce n’est pas 50 ans !), avec en prime une pension représentant 75% du dernier salaire, alors que son voisin de palier devra attendre l’âge de 65 ans pour ne toucher qu’une pension calculée sur ses vingt meilleures années ? Le premier aura cotisé dix ans de moins et touchera dix ans de pensions de plus que le second, c'est-à-dire un écart de vingt ans entre citoyens que l’on dit égaux !

La solidarité oui, mais pas cette solidarité corporatiste qui consiste à démontrer que certains sont plus fatigués que d’autres, surtout s’ils émargent dans la Fonction Publique. Allons également au bout de la solidarité : retraite à 65 ans pour tout le monde, avec certes des aménagements de postes pour les métiers les plus pénibles, et une retraite avec pourquoi pas une rémunération égalitaire ? Il ne s’agit pas de créer des Soviets mais de sauver un système qui coule à pic, la moitié du déficit de la Sécu en 2011 était due à la branche vieillesse. Et on pourrait également mettre en face de ces dix milliards de déficit de la branche vieillesse les onze milliards d’avantages fiscaux et sociaux dont peuvent bénéficier les retraités.

Au moment où notre économie est frappée d’anémie par l’accroissement de la dépense sociale, n’attendons pas de nos hommes politiques qu’ils touchent les écrouelles pour faire disparaître le mal. Sortons-nous la tête du sable et regardons enfin le monde en face, au moins peut-être arrêterons-nous de gémir sur notre sort de pauvres nantis.

 

Jean-Yves Curtaud

 
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