L’enjeu des prochaines municipales de mars 2014 sera en fait double : l’UMP espère récupérer certains de ses bijoux de famille perdus en 2001 et 2008, et par là même, retrouver la majorité au sénat lors des élections qui suivront en septembre, sachant qu’actuellement le PS et ses alliés ne possèdent que six sièges d’avance.
Etat des lieux
Aujourd’hui, le Parti Communiste paraît être un allié plus encombrant qu’utile pour le Parti Socialiste. Aujourd’hui. Mais rien ne dit que d’ici à un an il en sera de même, car si le pouvoir poursuit sa dégringolade dans les sondages, il lui faudra compter toutes les voix pour sauver l’essentiel, et toutes les voix cela revient à mettre dans le tronc commun celles du PS, mais également celles de tous les alliés potentiels ou traditionnels, à savoir les écologistes et le Front de Gauche qui lui sera tiré à ce moment-là, non pas par Mélenchon, mais par l’appareil du PCF : à chacun son rôle.
Bien sûr, le parti des travailleurs n’a plus l’influence qu’on lui a connue, ses pertes municipales des années 2000 sont colossales, souvenons-nous qu’il avait abandonné une dizaine de villes de plus de 30.000 habitants (dont Nîmes, le Havre, Sète, Tarbes, Argenteuil) et autant de plus de 20.000 habitants aux seules élections municipales de 2001, auxquelles on ajoutera les pertes de 2008, et parmi lesquelles quelques villes importantes comme Calais (au profit de l’UMP), Montreuil (au profit des Verts) ou encore Aubervilliers (au profit du PS). Si le Parti Communiste est encore à la tête d’environ 800 communes, dont 38 de plus de 20.000 habitants, il ne possède plus aucune ville de plus de 100.000 habitants. Mais il peut afficher encore une bonne santé dans ses fiefs comme Arles, Aubagne, Echirolles, Saint-Martin d’Hères, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Givors, Nanterre, Gennevilliers ou encore Fontaine, Martigues ou Saint-Amand-les-Eaux.
Quelle stratégie ?
« Le PC doit être mis devant ses responsabilités pour les municipales… le PC a quelques problèmes devant lui » dit-on actuellement rue de Solferino après les couacs au Sénat. Il est vrai qu’un Parti Communiste dont les voix se retrouvent avec celles de l’UMP pour condamner des textes du gouvernement socialiste, voilà qui fait désordre. Mais les communistes ont-ils le choix ? La base grogne, l’allié Mélenchon grogne, et les élus n’ont pas envie de passer pour des « vendus » seulement six mois après avoir défendu un programme qui n’était en rien un programme commun.
De son côté, le PS, dans sa tradition hégémonique initiée par François Mitterrand, n’a plus envie de défendre la lutte des classes au moment où il a besoin de se refaire une santé (déjà !) en suçant de la social-démocratie comme d’autres sucent des bonbons. De plus, il a déjà son lot de problèmes avec un autre allié encombrant, toute la mouvance écologique… hormis bien sûr les deux ministres qui semblent plus fidèles au gouvernement qu’à leur maison mère.
Alors, comment la gauche va-t-elle aborder ce rendez-vous à haut risque de mars 2014, unie ou dispersée ? La balle est davantage dans le camp du PCF qui peut accepter de prendre le risque de la désunion en tablant sur un meilleur retour sur investissement qu’en 2008. Il faut dire que les socialistes avaient alors le vent en poupe, ce qu’ils firent bien comprendre à leur vieil allié stalinien, même si ce dernier put afficher quelques surprises heureuses avec les prises de Dieppe, Vierzon et Saint-Claude. En fait, la stratégie socialiste ne fut peut-être pas à la hauteur des espérances du départ…
De plus, depuis les municipales de 2008, le PCF s’est trouvé un allié à lui, proche de sa conception bureaucratique et autogestionnaire de la société, le Parti de Gauche de Mélenchon. La donne n’est plus tout à fait la même, on l’a d’ailleurs constaté lors des cantonales et régionales de 2010 où le score des communistes a repris des couleurs : à base de rouge évidemment !
Voilà qui pourrait inciter le PCF à durcir davantage sa position vis-à-vis du gouvernement, donc des socialistes, soit en exigeant plus de respect de la part du pouvoir, c'est-à-dire que celui-ci acceptât de revenir sur la politique économique actuelle trop imprégnée de la volonté européenne, ce qu’il ne risque pas d’obtenir, donc par conséquent soit en choisissant de couper les liens historiques pour aller à la bataille (sous la bannière du Front de Gauche) en tant qu’adversaire déclaré du gouvernement. Un coup de poker gigantesque certes, mais rien ne dit à l’heure actuelle que cette attitude pourrait être suicidaire.
On le voit, le Parti Communiste est bien devenu un allié plus encombrant qu’utile pour les socialistes, encombrant dans tous les cas de figure si l’on s’en réfère aux résultats de la décennie passée, mais qui pourrait redevenir très utile pour faire l’appoint au second tour des municipales en cas de véritable descente aux enfers de la cote de popularité du président et de son gouvernement. Mais à ce moment-là, il faudra lâcher du lest et donner des gages de bonne volonté aux alliés plus à gauche, un truc qui pourrait être catastrophique pour l’image d’un Parti Socialiste qui se dit prêt à tendre le bout de la main aux centristes les plus en froid avec l’UMP.
Si, d’après les dires officieux d’un responsable de la rue Solferino, « le PC a quelques problèmes devant lui »… le compliment peut être retourné à son destinataire, car le PS également semble avoir quelques problèmes devant lui, pour la simple raison qu’aucun maire socialiste n’est élu sans les voix communistes au second tour, voire dès le premier.
L’élection municipale de 2014 sera une première dans le genre, pour la première fois les socialistes iront à la bataille en ayant tous les pouvoirs, et pour la première fois les communistes iront à la bataille (municipale) avec un nouvel allié officiel sous le label Front de Gauche. On aimerait déjà y être !...
Jean-Yves Curtaud
LE CHRONIQUEUR
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