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Astérix et Obélix quittent le village gaulois

17/12/2012
En l’espace de quelques semaines, deux « monstres sacrés » du cinéma français ont plié bagages pour s’en aller voir ailleurs, le premier, Christian Clavier, à Londres, le second, Gérard Depardieu, à Néchin en Belgique. Il faut dire que leurs mauvaises fréquentations récentes et publiques ont contribué à changer leur statut de « monstres sacrés » en monstres tout court. Car à entendre le lynchage verbal diffusé sur nos médias, on frôle quasiment la haute trahison passible d’une peine de mort à rétablir dare-dare au nom du patriotisme et ces valeurs que nos responsables politiques adorent mettre en avant histoire de chauffer le citoyen lambda. Il est vrai, comme l’écrivait Jean Cocteau, que «nous croyons encore que l’égalité consiste à trancher tout ce qui dépasse. »

 

 

Les procès de Moscou

Les vrais datent peut-être des années 30 et de l’ère stalinienne, mais il n’est pas rare chez nous d’assister régulièrement à des « remakes » diligentés par quelques sous-fifres en mal de notoriété révolutionnaire. Mais s’ils ont le verbe dans leur besace, il leur manque quand même le courage qui va avec. Et depuis quelques jours, les mots ne sont jamais assez durs et violents pour qualifier l’attitude de l’un et de l’autre, ces « Astérix » et « Obélix » qui viennent de quitter le village gaulois, un peu pour raisons fiscales, un peu par ras-le-bol de cette suffisance de nos intellectuels dits de gauche qui ont toujours l’appoint en poche pour vous faire votre compte.

Ainsi, récemment, un chroniqueur politique du Nouvel Observateur lâchait les chiens à propos du départ à Londres de Christian Clavier : « J’avoue que mon premier réflexe a été un sentiment de joie quand j’ai appris que Christian Clavier s’était exilé à Londres », ajoutant, « cette fois on pouvait dire que notre pays tournait enfin la page du sarkozysme. » Voilà, le délit de sale gueule est dénoncé, on ne doit pas aimer Clavier parce qu’il est l’ami de Sarkozy. Et on ne doit plus aimer Depardieu parce qu’il a soutenu Sarkozy. Nous sommes bien dans le genre procès de Moscou, des accusations, jamais de défense.

 

Tartuffe ?

Et pour Depardieu, il faut dire que le pouvoir a bien chargé le break : « Il joue mal son plus mauvais film » pour David Assouline le porte-parole du PS, une « foucade » pour Harlem Désir, « il déserte le territoire en pleine guerre de la crise » pour Mme Filippetti ministre de la Culture, et une désertion en pleine guerre c’est douze balles… «une forme de déchéance personnelle » pour monsieur Sapin, sans oublier le fameux « je trouve ça assez minable » du Premier Ministre.

Alors oui, Depardieu a fait du Depardieu dans l’excès, il n’aurait jamais dû renvoyer son passeport, peut-être même ne pas écrire cette lettre ouverte au Premier Ministre, surtout sur ce ton, en agissant ainsi il vient de livrer la poudre aux snippers au pistolet à bouchon, aux agitateurs d’opinion, ceux qui, à l’instar du Premier Ministre évoquent « quelque chose d’assez minable » pour qualifier l’attitude d’un grand artiste qui a fait gagner beaucoup d’argent à notre pays, qui en a également beaucoup donné, et entre autres pour faire les très gros salaires de ces politiques qui ont passé leur vie à vivre sur le dos du contribuable.

Comme on aimerait entendre les mêmes propos pour qualifier les exils dorés de certains sportifs français, y compris de gauche. Mais on ne touche pas aux sportifs car le peuple ne l’accepterait pas, on ne touche pas aux dieux du stade, même en exil à New York, Genève ou Monaco.

Oui, disons-le, ça purge sévère vis-à-vis de ceux qui ont soutenu Nicolas Sarkozy, ces acteurs devenus des parias parce qu’ils se sont trompés ? Mais dans quel monde vivons-nous, en Corée du Nord, et à quand des internements psychiatriques pour les contrevenants ?

Lorsque François Hollande plaide pour une harmonisation fiscale en Europe on a envie de lui répondre chiche, mais pas une harmonie confectionnée avec quelques accords qui sonnent faux et qui nous mènent à l’étisie. A quoi cela sert-il d’envoyer ses sbires clabauder sur les estrades et autres plateaux de télévision afin de pousser le peuple à brûler Depardieu et Clavier comme relaps alors que cette histoire n’est qu’un épiphénomène, une goutte d’eau qui ne fera jamais déborder aucun vase, mais peut-être sert-elle tout simplement à faire oublier tout le reste, de Florange aux comptes suisses en passant par quelques mises en examen de potentats régionaux chers à Solferino. 

Après tout, que Clavier et Depardieu déménagent ne nous regarde pas, chacun peut encore faire ce que bon lui semble avec son argent. Ou alors, si jamais des envies d’Albanie de la belle époque remontent à la surface, faudra nous prévenir vite qu’on ait nous aussi le temps de chercher 80 m² du côté de Néchin… ou de la Barbade !

 

Jean-Yves Curtaud

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