Dans un train l'amenant de Genève à Lausanne, Margarita se souvient de son passé. Les paysages qui défilent, les noms des gares, les voyageurs croisés sont autant de prétextes aux souvenirs qui affluent et permettent de reconstituer sa vie. Elle se souvient de ses parents, républicains espagnols émigrés. Son père s'était fixé à Lyon en 1946, il disait que pour lui, la guerre civile avait duré dix ans, de 1936 à 1946, c'était un homme fatigué de tous les combats, il voulait vivre sans projet et avait acheté un terrain à la campagne où il élevait des abeilles, pendant que sa femme arpentait la maison immense et vide du quartier Saint-Jean, tel un fantôme. Son père voulait faire de Margarita quelqu'un de libre, il lui faisait croire qu'elle était spéciale, alors que pour tous les autres, elle était la Boulette. Il était mort bien avant sa mort véritable en cédant à sa femme et revenant à son ancienne occupation, patron d'une entreprise de visserie. Margarita a opté pour le chemin le plus confortable, celui du bon sens. Elle a épousé un employé de son père, Jesus, le « Fraiseur Vila », réfugié espagnol, fils d'un photographe communiste. Elle se souvient de Suzanne son amie, de leur première rencontre. Elle avait éprouvé pour elle de l'admiration avant de la connaître, Suzanne était violoniste. Elle aurait dû se méfier d'elle, mais docile, dévouée, fière de pouvoir se montrer à ses côtés, comme on exhibe un trophée l'avait présentée à son mari. Et Suzanne et Jesus, qui était toujours l'enfant ayant fui Malaga bombardé, assailli par le froid et la faim, étaient devenus amants. Margarita a résisté, attendu, pensant avec le temps devenir vainqueur. Mais a-t-elle gagné ?
Un très beau roman que l'on doit à Antonio Soler, grand nom de la littérature espagnole.
LE CHRONIQUEUR
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