Montée en puissance
La crise précipitera-t-elle la chute du capitalisme ? La question revient de façon récurrente depuis cinq ans, ainsi, en 2008, Immanuel Wallenstein, l’un des pionniers du mouvement altermondialiste, nous avertissait dans les colonnes du journal « Le Monde » : « le capitalisme touche à sa fin ». Il faut dire qu’il y avait le feu à la Maison Pognon, souvenons-nous qu’on se posait alors la question de la survie des grandes banques occidentales.
« Le capitalisme touche à sa fin », c’est un avis, mais cette crise peut-elle réellement entraîner par le fond le système qui a généré toute notre expansion depuis deux siècles, et à pas de géant durant les cinquante dernières années ? Sûrement pas plus qu’après la tourmente économique de 1929. Le capitalisme a un pouvoir d’adaptation incroyablement efficace, et c’est bien ce qui le différencie du système communiste qui, contrairement à son adversaire dit libéral, ne peut trouver aucun espoir de survie, voire de régénérescence en cas de crise majeure.
Lorsque tout est concentré entre les seules mains du pouvoir politique, à savoir la banque, le crédit, l’investissement, l’industrie et l’emploi, le logement, l’éducation, la santé, et même les loisirs s’il reste encore trois roubles et deux kopecks, ce même pouvoir sait qu’il tombera avec l’édifice à la moindre catastrophe majeure. On l’a constaté à la fin des années 80 avec le bloc de l’Est, tout est allé excessivement vite à cause de cette concentration maximum des décisions économiques entre les seules mains de gens pas forcément compétents parce qu’étrangers au monde de la finance et de l’investissement. Et on ne parlait pas encore de mondialisation sauvage à ce moment-là, tout au plus de « guerre froide ».
L’effet mondialisation
Et c’est bien cette mondialisation qui nous fait terriblement peur aujourd’hui, car c’est elle qui, en partie, détruit nos emplois trop coûteux sur le marché mondial, c’est elle qui nourrit nos dettes par ses excédents, eh oui c’est nous qui avons enrichi ces pays que l’on disait émergents. Le peuple voulait des écrans plus plats que plats et plus grands que géants, ils étaient bien moins chers à Shanghai qu’à Eindhoven chez Philips, alors va pour la Chine ! Et nous avons acheté, et nous venons d’acheter à l’occasion des fêtes de fin d’année quantité de produits, pas forcément indispensables chez ce brave monsieur Chuan-Li, précipitant par là même nos emplois de Vierzon, Marmande ou du Havre vers un abîme dont le fond est sondé chaque mois par les archéologues de l’INSEE : nous en sommes au 19ème mois consécutif de hausse du chômage, ce n’est pas si mal par rapport au 30ème mois consécutif que l’on nous annoncera en décembre 2013. D’ailleurs, ce même organisme d’Etat nous prédit une année 2013 mauvaise pour l’emploi et le pouvoir d’achat. On dirait Madame Irma les yeux bandés !
Il faut faire la révolution !
Au fait, à qui profite cette crise politiquement ? A pas grand monde apparemment, souvenez-vous qu’au printemps 2012 tous les « spécialistes » prévoyaient un score extraordinaire à ce bon monsieur Mélenchon… qui finalement ne totalisa que les voix traditionnelles du PCF et celles qu’il pompa à l’extrême gauche. Car même s’ils ne sont pas des parangons de discipline et qu’ils manquent parfois de réalisme, les Français sont peut-être plus pragmatiques qu’on ne le croit. A tel point qu’à un ou deux cheveux près ils renouvelaient le CDD de cinq ans à Sarkozy !
Il faut dire que la situation française n’a rien de comparable avec celle de la Grèce, ou encore de l’Espagne, du Portugal, ou même de l’Italie. Qu’on veuille ou pas le reconnaître cela ne modifiera pas la réalité, les efforts demandés aux Français auront été extrêmement mineurs ces dernières années par rapport à ce que nos voisins du Sud ont subi et subissent encore, et à ce que certains de nos voisins du Nord ont dû accepter afin de se trouver aujourd’hui un peu mieux à l’abri que nous.
Les discours alarmistes et altermondialistes qu’on nous joue quotidiennement comme un vieux tube de Jean Ferrat ne sont que la bande son d’un film catastrophe qui passait déjà en noir et blanc à l’époque du Général de Gaulle.
Non, 2013 ne sera pas l’année de la fin du capitalisme car le socle de celui-ci est la propriété privée, et ce avant même la recherche obstinée du profit comme aiment à le rappeler ses adversaires. Et personne n’a vraiment envie que l’on touche, ici en France, et à tous les niveaux (hormis peut-être ceux qui n’ont absolument rien ou qui refusent systématiquement d’entrer dans « le système – et on revient aux décroissants et autres altermondialistes) à la propriété privée, celle de l’argent certes (le fameux capital !), y compris l’argent des plus modestes, celle du logement et autres bien matériels, celle de l’entreprise donc de l’emploi… en fait tout ce qui confère au citoyen du pouvoir face au Pouvoir. ET ce pouvoir est une liberté.
Cette idée de capital, apparue au Moyen-Âge avec l’argent qui créait la banque, idée qui évoluera vers la notion de capitalisme à la Renaissance avec l’intensification du commerce et qui deviendra un formidable outil au service de l’industrialisation européenne aux 19ème et 20ème siècles, cette idée ne disparaîtra pas sous prétexte que l’Europe et l’Amérique du Nord auraient un coup de moins bien.
Voilà bien une lâcheté qu’il nous faudra oublier très vite, faute de quoi nous aurons tout à perdre, et ce jusqu’à tomber entre les mains de ces forcenés de la lutte des classes et de leurs travers, confiscations arbitraires et mise sous contrôle des libertés.
Trop de capitalisme ?
Les excès ne sont jamais de bons compagnons. On ne peut pas « dézinguer » la critique faite au capitalisme sans pour autant zapper sur les excès de celui-ci, là encore l’adage dit vrai, « trop de capitalisme tue le capitalisme ». On l’a constaté avec ces incroyables bulles des années 2000, cette frénésie de la concentration de l’argent, cette obsession des regroupements d’entreprises, ensemble pour être plus fort , on connaît les résultats, ce fut souvent dehors pour être plus riches !
Ces excès ne sont en fait que les péripéties d’une époque, une époque qui se termine sous nos yeux, celle de l’argent fou des années 80 et de tous les excès (encore !) que cet argent a engendrés : gros salaires et profits boursiers, investissements hasardeux et souvent immatériels (faut-il rappeler les start-up ?), mais également dépenses colossales des Etats et des collectivités. Tout le monde s’est engouffré dans la spirale infernale, certains avec leur argent, d’autres avec notre argent. N’oublions pas qu’ci,en France, nous avons embauché plus de deux millions de fonctionnaires en moins de vingt ans ! Aujourd’hui, la note de ces excès nous est présentée, elle s’appelle déficits et dettes, les deux à rembourser, et il faudrait faire la révolution pour ne pas avoir à payer ?
Mais révolution ou pas il faudra payer, et c’est avec le capitalisme que nous y parviendrons, avec la liberté d’entreprendre, avec la liberté d’être plus fort que le voisin, avec la liberté d’aller plus vite que lui sans pour autant être sanctionné, avec la liberté de choisir son style de vie, et non pas en étant obligés de subir les diktats de gens dangereux, archi-minoritaires, qui n’ont d’autre but que d’apaiser leur soif de reconnaissance et de pouvoir en vidant nos caves.
Oui, les casseurs vont encore casser cette année du côté d’Athènes, de Madrid, de Milan, peut-être les verrons-nous à Paris, et ce au nom « d’un autre monde », un monde qu’ils promettent plus juste, plus égalitaire, un monde où l’Etat déciderait de tout et posséderait tout, et le citoyen rien. Du moins rien de plus que son voisin.
Ce monde-là s’est écroulé sous nos yeux il y a un peu plus de vingt ans, ce monde-là était défendu bec et ongles par ces mêmes gens qui demandent la fin du capitalisme ici en France, mais aussi en Italie, en Grèce et ailleurs. Des revanchards qui pensent tenir – enfin – leur revanche. C’est la capacité du capitalisme à réinventer la meilleure solution du moment qui va leur donner tort. Un capitalisme peut-être différent de celui de ces trente dernières années, mais un capitalisme quand même.
J. Nimaud
LE CHRONIQUEUR
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