C'est une maison en bois, elle fut construite par le grand-père du grand-père, en ce temps-là c'était la campagne. Puis peu à peu la gare Nyugati de Budapest s'est développée, les rails ont encerclé l'habitation de la famille Mandy et dans le jardin triangulaire plus rien ne pousse, sauf les ordures que les passagers des trains jettent par les fenêtres. Ils ont obtenu le droit de rester en échange de l'entretien du transformateur. Son père tient un petit café dans la gare et sa mère tient le guichet des lignes intérieures, en rêvant du guichet de l'international. Mais, sous le régime communiste, seuls les rêves sont permis. Pour le jeune Imre, les membres de sa famille sont « des serfs que le seigneur ferroviaire avait réduits aux travaux forcés et il se promettait que dès qu'il aurait atteint l'âge adulte, il romprait cette soumission et partirait loin de la gare ». Les deux premières générations ont connu la peur de se faire arrêter, de se faire pendre. Chaque 2 mai, le grand-père s'enivre en chantant la même chanson « Sombre dimanche » et trainant sa jambe « brisée par Staline ». Staline est d'ailleurs responsable de tous les maux de la famille qui a « une propension agaçante à garder tous ses secrets », enfouis dans un carton. Le Mur va bientôt tomber, le rideau de fer s'ouvrir et le monde avec lui, mais pour Imre, le 9 décembre 1989 sera celui de la mort de sa mère. Avec la fin du communisme plus rien n'est interdit, mais il ne sait pas quoi faire, il n'a pas appris à se battre et son ami Zsolt avec qui il partageait des rêves de blondes californiennes est parti. Il accepte un travail dans un sex-shop, puis tombera amoureux d'une allemande.
L'histoire de cette famille est aussi celle d'un pays démantelé avec la fin de l'Empire des Habsbourg – la Hongrie perdit alors les deux tiers de son territoire et son statut royal -, c'est celle d'un peuple écrasé par les chars russes, endormi par des années de communisme. Un très beau roman drôle parfois, empreint de mélancolie.
LE CHRONIQUEUR
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