« Dédée commence à trouver le temps long. La pose indiquée par Renoir est inconfortable et elle se tortille les fesses. Nue jusqu’à la taille, ceinte d’un tissu aux couleurs vives, elle coiffe ses longs cheveux, le visage incliné de côté. »
Contrairement à l’idée parfois reçue, le peintre n’est pas forcément amoureux ou sous l’effet d’un coup de foudre, surtout s’il véhicule l’image d’un vieil ours vu de l’extérieur. Le peintre est au travail, un travail qu’il lui faut aboutir même si la mort rôde aux Collettes, la maison familiale… Jacques Renoir nous livre quelques secrets de famille dans ce merveilleux livre qui raconte les dernières années de la vie de Pierre-Auguste Renoir son arrière-grand-père.
Nous sommes aux portes de la première Guerre Mondiale dans le sud de la France, et toute la famille – ou presque - est réunie autour du maître, « vieillard désarticulé » qui vit dans un fauteuil roulant. Il y a là son épouse Aline, Gabrielle le modèle et l’amie fidèle, Jean, qui vient en habit de dragon et qui fera carrière dans le cinéma, son frère Coco, souvent dans le rôle de l’observateur privilégié, et tous les familiers des Collettes, Dédée bien sûr, qui sera le dernier modèle, Baptistin le chauffeur fier de sa Renault 14-20cv, ou encore Rodin que Renoir croquera en 1914.
La tableau amoureux est celui de moments de bonheur et de simplicité comme ce « déjeuner des canotiers » ou « La Grenouillère » des années de jeunesse, mais aussi, à l’approche de la mort, celui qui réunit en ce lieu mythique où sera tourné le « Déjeuner sur l’herbe » en 1959 par Jean Renoir, la tribu Renoir au moment où la France s’apprêtait à basculer dans le malheur absolu. On dit que le 20ème siècle a commencé après la guerre, alors Pierre-Auguste Renoir ne l’aura qu’à peine effleuré…
LE CHRONIQUEUR
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