On va encore dire que c’est la faute à Merkel !
On l’a dit. Chez nous, pas plus tard que le dimanche qui a suivi la décision européenne, Jean-Luc Mélenchon a ressorti son air favori avec couplet sur le capitalisme affameur de pauvres gens, et refrain sur la révolution qui serait déjà en route. Si les pays de l’Europe du sud ont la fièvre c’est forcément parce qu’ils ont attrapé froid en Europe du nord.
Reconnaissons quand même que cette décision prise par l’Eurogroupe (la réunion mensuelle des ministres des finances de la zone euro) de taxer les dépôts bancaires à Chypre de 6,75 à 9,9 %, et ce en échange d’une avance de dix milliards, a quelque chose de surprenant… mais également d’assez logique. Souvenons-nous que les renflouements en Espagne, au Portugal, en Grèce, ont tous été synonymes de baisse des salaires et des pensions, et d’augmentation des taxes et impôts.
Taxer les sommes importantes qui sont en « stand by » sur des comptes dans les banques chypriotes est certainement plus raisonné que tailler dans les salaires et le pouvoir d’achat. Après, pourquoi ne pas mettre un seuil de taxation qui serait au-delà du cash courant moyen nécessaire aux besoins des familles, à partir de 10.000 ou 20.000 euros par exemple.
D’après l’Eurogroupe, le bénéfice de l’opération pourrait être estimé à près de six milliards. Bien évidemment, rien ne dit précisément ce que cette mesure rapportera, mais il est par contre certain qu’elle n’est pas le fruit du hasard. Concrètement, à Chypre, on ne doit pas faire semblant de ne pas comprendre…
Aspirateur à fric
En attirant les capitaux avec le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés le plus bas d’Europe, en l’occurrence 10% (contre près de 40% chez nous), Chypre a joué avec l’aspirateur à devises. On sait par exemple, que les fonds russes placés à Nicosie sont estimés à environ 15 milliards d’euros, et on sait également qu’une partie de ces fonds est d’origine mafieuse ou frauduleuse. « C’est une décision injuste, non professionnelle et dangereuse » a-t-on immédiatement répliqué au Kremlin.
Cette politique fiscale accommodante passait bien sûr par les tuyaux des banques grecques, d’où les soucis du moment sur cette île d’à peine 800.000 habitants qui mouille dans les eaux européennes depuis 2004 et qui a rejoint la zone euro en 2008. Le président Nicos Anastasiades ne pourra pas nous faire le numéro de claquettes de ses cousins grecs (ou de sirtaki). Désormais on sait comment ça marche et comment ça dégringole très vite, comme au casino : bulles immobilières, politiques fiscales accommodantes et aguichantes pour attirer les sociétés étrangères, assiette de l’impôt ridiculement basse et taxes pas toujours perçues, quand on n’ajoutait pas à cette série noire des services publics pléthoriques et parfois inefficaces… tout ce qui fait qu’en période de crise européenne on se met à chercher le bon fidéjusseur, en gros celui qui paiera pour les autres.
Le débat est certes économique, mais il est avant tout politique, ne l’oublions pas, car à l’autre bout de la crise il se trouve des gens prêts à donner le « la » des émeutes, des gens qui savent qu’une révolution leur permettrait de récupérer le pouvoir dans le caniveau.
La solution n’est pas de se réfugier sur son Aventin pour attendre des jours meilleurs, la solution à nos problèmes, à Chypre comme à Madrid, à Athènes, et même à Paris car nous n’allons pas tarder à entendre parler de l’Eurogroupe, est de revenir sur des bases solides, réelles, avérées, qui seules nous donneront la possibilité d’échapper à ce tsunami parti de la mer de Chine. Ces bases sont le travail, le travail et le travail. Nous ne sommes pas dans une téléréalité où rien n’est vraiment grave car on peut toujours en sortir à tout moment, nous sommes dans la vraie vie, celle que nous voulons nous préparer pour les décennies à venir : encore debout ou en partie esclaves de donneurs d’ordres du bout du monde ?
Si des responsables politiques, à Chypre ou ailleurs, ont commis des erreurs ou des fautes, qu’ils soient sanctionnés par les électeurs et qu’ils disparaissent des ondes radar de la vie publique. Mais de grâce, arrêtons aussi de tout mettre sur le dos des autres, des Allemands par exemple comme certains n’hésitent plus à le faire ouvertement, c’est débile, idiot et c’est surtout une grosse perte de temps.
J. Nimaud
LE CHRONIQUEUR
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