Honoraires, bénéfices, commissions, cachets, jetons de présence… on prend tout du moment que personne ne le saura.
Finalement, on peut légitimement se demander pourquoi l’affaire Cahuzac changerait tout en France jusqu’à initier une 6ème République au seul prétexte que le pouvoir actuel ne sait plus comment gérer la crise et ses mensonges de campagne, et qu’il faut donc d’urgence allumer un contre-feu. Je n’irai pas jusqu’à dire que le genre offshore de l’ex-ministre du Budget arrange notre Président Normal, mais peut-être pense-t-il trouver avec cette sale affaire quelques raisons d’aborder l’avenir avec deux doigts d’optimisme.
Déballage ridicule et indécent
Et c’est le grand déballage qui va, paraît-il, moraliser la vie publique. Ce qui revient à laisser penser que jusqu’à ces derniers jours, il n’y avait aucune morale chez nos élus. C’est quand même aller un peu hâtivement en besogne. Le « tous pourris » des populistes patentés a quelque chose d’abject, et le spectacle de ceux qui se précipitent devant micros et caméras afin de dresser l’inventaire de leur pauvreté est affligeant.
D’ailleurs, on peut aussi se poser des questions après le déballage de chacun, hormis peut-être le côté ridicule des kayaks de madame Eva Joly qu’on a du mal à imaginer en train de pagayer en combinaison de plongée sur les Gorges du Tarn. Le drakkar siérait davantage à son image… Non, ce sont les patrimoines avoués à la hâte qu’on a du mal à cerner. Quand François Fillon nous dit avoir acheté il y a vingt ans une maison de 440.000 € (soit quand même 2,8 millions de francs de l’époque) et « qu’elle doit valoir aujourd’hui 650.000 € », on se dit qu’il est le seul propriétaire à n’avoir gagné que 50% sur son bien immobilier en vingt ans, alors que tout le monde a fait une culbute de 300 à 400% dans le même laps de temps. Idem pour le patrimoine immobilier de la ministre madame Carlotti, estimé d’après elle à 560.00 € pour 130m² à Marseille, une maison de 120m² dans l’Hérault et un appartement de 60m² en Corse. On a envie de lui racheter le tout immédiatement à ce prix-là !
Les uns après les autres s’il vous plait !
Allons-y donc dans la tartuferie, Marie-George Buffet pourrait nous parler de sa collection de timbres de la Bulgarie consacrés aux exploits de Gagarine, Jean-Luc Mélenchon de sa photo dédicacée de Chavez et d’un mégot de Havane ayant appartenu au Che, et les autres avoueront posséder une vache à mille francs, un porte-avion d’occasion acheté aux puces, les puces d’un vieux labrador, un réveil avec les oreilles de Mickey qui bougent au rythme des secondes, une Simca P60 avec encore un crédit à rembourser en francs Coty, deux paires d’espadrilles dont une, du blé au Crédit Agricole et de l’oseille en pot, des ronds dans l’eau et de la soudure pour coller les pépettes, des fafiots, de l’artiche, et bien sûr touche pas au grisbi salope sinon c’est cent balles dans le buffet !
Oui, tout cela va virer au ridicule et à la guerre picrocholine, car on va finir par nous démontrer que seuls les pauvres sont dignes de gérer la Nation… ou les fonctionnaires puisque ce « choc de moralité » doit interdire aux parlementaires d’exercer une profession dite libérale.
Je crois que cette démarche est totalement apocryphe et que son seul but est d’essayer de redorer un blason qui a perdu tout son éclat en moins d’un an… blason doré qu’il faudra bien déclarer comme richesse patrimoniale.
Aujourd’hui, l’épargne financière des Français représente quelque 3.600 milliards, soit pile deux fois le montant de notre dette (1.823 milliards). Une telle découverte peut relever des tribunaux, car si on suit le raisonnement ad hoc du capitaine de la France, il nous vient une question au bout des lèvres : comment peut-on posséder deux fois l’argent que l’on doit ? Y’a forcément une magouille quelque part…
En fait, soyons lucides, pour passer de notre mentalité de Gaulois aux habitudes nordiques et anglo-saxonnes dans la manière d’aborder tout ce qui touche à l’argent, il faudrait une conversion à la François D’Assise. Encore un pauvre !
Jean-Yves Curtaud
LE CHRONIQUEUR
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