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Toujours à cause du Prussien…

29/04/2013
Avec l’assurance de Béatrice menant Dante à travers les sept portes de l’enfer, le parti socialiste vient de dénoncer le coupable de toutes les forfaitures économiques qui nous mettent dans l’embarras dès le quinze du mois, c’est le Prussien, l’arrogant et austère Allemand, le Teuton méprisant de suffisance au volant de sa grosse berline… allemande bien sûr, car il ne lui viendrait même pas à l’idée de nous acheter une Zoé à pile rechargeable à côté du frigo, voire une Logan fabriquée par nos collaborateurs roumains qui ont le mérite d’être compréhensibles avec nous puisqu’ils acceptent de faire le job pour cinq fois moins d’argent qu’à Flins.

 

Confrontation

Oui, l’Allemagne serait seule responsable de tous nos problèmes, au même titre que ceux de la Grèce ou de l’Espagne. Tour à tour, Harlem Désir, Claude Bartolone et quelques caciques du PS ont fustigé Angela Merkel et sa politique d’austérité coupable de nous empêcher d’embaucher quelques nouvelles brassées de centaines de milliers de fonctionnaires dont nous manquerions cruellement.

Pourquoi chercher une telle confrontation ? Pour faire diversion bien sûr, car l’anniversaire du 6 mai sent déjà le rance. En un an, le pouvoir n’a rencontré quasiment que des échecs dans sa politique économique, le chômage continue sa folle progression, les déficits n’ont pas été endigués, on a battu des records au commerce extérieur l’an passé 67 milliards) alors que nos voisins germaniques ont frisé les 120 milliards d’excédents, ce qui fait un différentiel de presque 200 milliards, soit quatre fois le produit de l’impôt sur le revenu.

On a envie de dire que le bouc émissaire vivant sur l’autre rive du Rhin a quelque chose d’un peu dépassé. Personne n’a envie aujourd’hui d’en découdre avec notre ex-ennemi devenu un ami, un partenaire, hormis peut-être quelques speakers officiels de cette gauche qui croit encore dans un socialisme pur et dur issu de la lutte des classes. Bien sûr, on ne risque pas de les retrouver baïonnette au bout du fusil sur une terre dévastée entre Sedan et Verdun, eux vivent dans les palais de la République loin de la mobilisation. Leur rôle est celui d’aboyeur pour prévenir le peuple contre les malfaisances des Prussiens… ou de l’Europe, ça fonctionne dans les deux sens. Mais ce n’est jamais de notre faute.

Nous n’avons jamais vécu au-dessus de nos moyens, très au-dessus, nous n’avons jamais fait de dettes, jamais emprunté, nous avons toujours raison, et c’est sans faille puisque paraît-il, le monde entier nous envie. Bref, nous sommes les meilleurs en tout, et si ça va mal c’est parce que les autres sont jaloux de notre talent. Le talent de notre fonctionnarisme, le talent de nos RTT et vacances à répétition entre les ponts, le talent de nos bacheliers sans aucune formation, le talent de nos prélèvements obligatoires sans concurrence en Europe, le talent de notre désindustrialisation forcenée et le talent de notre pessimisme héréditaire qui, par ailleurs, devrait nous mettre en garde contre toute velléité envers ce même Prussien qui nous a quand même collé des raclées à chacune de nos sorties péremptoires ou mal organisées.

A force de répéter de telles âneries nous allons finir par ressembler à ce catoblépas évoqué par Pline L’Ancien, un gros paresseux qui fixe ses semelles au lieu de relever et les manches et la tête. 

Arrêtons de nous morfondre sur une situation que nous avons largement plébiscitée au fil des décennies, situation peut-être aujourd’hui apparemment sans issue sauf à en appeler à de gros sacrifices, mais qui est le résultat de nos demandes toujours plus pressantes de plus de confort, de loisirs, de gratuité de ceci et de cela, d’avantages, de droits qui deviennent chez nous par tradition républicaine des « acquis », et surtout moins de temps et d’attention pour le travail, ce truc dont on nous avait quasiment dit qu’il n’était pas si nécessaire. Pour preuve, certains l’ont remisé définitivement, préférant vivre du fruit de celui des autres. Voilà un truc à ne pas dire, mais tant pis, on va le garder !

Notre société, nos sociétés occidentales et dites industrialisées, ont été bâties sur l’éloge du travail, leur réussite et les avancées que celle-ci a engendrées, doivent tout au travail. Mais au moment où nous avons eu l’impression que tout avait été gagné, que rien ne pourrait plus nous échapper, nous avons plébiscité l’éloge des loisirs et de la consommation en oubliant que le pouvoir d’achat est extrêmement fongible. Et si en plus ce que nous consommons vient prioritairement de l’extérieur, cette fongibilité prend vite des allures de surendettement. Nous y sommes.

Alors, comme des Grecs, nous allons taper sur la grosse caisse histoire de faire peur à la dame Merkel. C’est sûr, ça va lui faire peur…

 

J. Nimaud

 

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