En ce temps là, à la veille de la Révolution, le suicide était un crime. L'ordonnance criminelle de 1670, titre XXII, stipulait que « l'homicide de soi est assimilable aux crimes de lèse-majesté divine et humaine ». Et la déclaration royale de Fontainebleau de 1712 visait à « poursuivre les personnes soupçonnées de s'être défaites d'elles-mêmes. » On appliquait le 5è commandement à la lettre : tu ne tueras point. Tout sujet du royaume appartenait au roi et ne pouvait se dérober à ses lois. C'est ainsi que la marquise Jeanne de Coussac, convaincue de s'être défenestrée de la chambre de son château, ou plutôt son cadavre, doit subir un procès devant une cour de justice royale. Ne pouvant se défendre, c'est son cousin Camille qui doit être son incarnation, son corps et sa voix. En tant que curateur de son cadavre, il est tenu de prêter serment de la défendre fidèlement et va subir l'affront de la mise en cause publique, la honte d'être assis sur la sellette. Si elle est reconnue coupable, son nom et sa mémoire seront à jamais effacés, son corps sera traîné sur une claie, face contre terre, puis pendu par les pieds pendant vingt-quatre heures et enfin jeté à la voirie avec les immondices et les carcasses d'animaux. Aucune sépulture n'étant accordée aux suicidés.
Camille est un jeune armateur bordelais, soumis à sa mère qui a souhaité rompre avec cette branche de la famille et redoute le procès. Depuis que son père lui a laissé son entreprise de négoce, il gère les affaires du mieux qu'il peut mais il n'a jamais voyagé sur les océans, la mer lui fait peur. Deux ans auparavant, il a perdu son épouse et l'enfant qu'elle portait. Comment a-t-il pu oublier Jeanne ? Leur enfance merveilleuse, la connivence enfantine qui les attachait, puis leur promesse ?
LE CHRONIQUEUR
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