« Pendant des décennies, il y eut parmi mes affaires un carton à chaussures que j'emportais dans tous mes déménagements. Il contenait des lettres de ma mère, des lettres qu'elle écrivait en caractères Sütterlin, au crayon ou à l'encre sur du papier blanc ou jaune, le plus souvent sur des pages de format A5 qu'elles avait peut-être arrachées à un cahier d'école ou un carnet de notes. »
Après trente ans de vie familiale, le départ de ses enfants, Peter Schneider entreprend de déchiffrer ces lettres à l'écriture si particulière que peu savent lire aujourd'hui, proche du gothique. Il n'avait que huit ans quand il vit sa mère pour la dernière fois, morte à quarante et un ans. D'elle il n'a que des souvenirs confus. Et ces lettres sont le moyen de faire la paix avec elle, comprendre peut-être la fatalité qui a déterminé sa vie. Il découvre une épouse aimante et « une rêveuse qui fut dévorée par sa passion pour Andreas », un collègue et ami de son mari Heinrich. Tous deux étaient des artistes, le premier metteur en scène, le second chef d'orchestre. Dans son enfance, il avait certes entendu des rumeurs disant qu'elle avait donné plus d'un « coup de canif dans le contrat », la rumeur devint une certitude, mais cela ne le préoccupait pas. A la lecture des lettres, des mots griffonnés, il est stupéfait de la violence de sa passion. L'histoire a commencé à Königsberg au milieu de la guerre. Heinrich et Andreas étaient exemptés de service militaire, et ils le furent jusqu'en 1944. Elle éprouva un véritable coup de foudre pour Andreas, qui ne fut pas le seul de ses amants. Il apprend également que son père n'est jamais entré au Parti, qu'il a haï la guerre, mais n'a pas résisté, et qu'il a même joué au quartier général d'Hitler. Etait ce un crime ? Quant à sa mère, elle a sauvé ses quatre enfants, les emmenant du nord de l'Allemagne au sud de la Bavière, fuyant les bombardements incessants dans des trains bondés.
LE CHRONIQUEUR
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