"Chacun le sait depuis Michelet, la France est une personne, mais c'est alors aujourd'hui une personne bien malheureuse. A tous ceux qui l'observent, du dedans comme du dehors, elle apparaît habitée par le doute, rongée par l'inquiétude, submergée par la déception, exaspérée par le pouvoir politique, amère vis-à-vis de la gauche, anorexique vis-à-vis de la droite, déçue par son destin, incertaine d'elle-même et de son avenir, par-dessus tout déstabilisée à force d'anxiété." C'est ainsi qu'Alain Duhamel débutait son ouvrage "Les peurs françaises" en 1993. Il y a plus de vingt ans, nous étions déjà dans la même situation, et pourtant nous ne connaissions pas encore la mondialisation et son univers impitoyable, pas plus l'euro soi-disant responsable de tous nos malheurs, le seul point concordant serait un Président socialiste à l'Elysée.
Oui, la France doute, la France s'inquiète, la France est amère et surtout incertaine d'elle-même, incertaine de pouvoir encore exister, alors qu'elle a toutes les cartes en mains pour réussir là où les autres échouent, pour être devant, conquérante. Nous sommes l'un des pays les plus riches au monde en matière d'épargne, la première destination touristique sans être un pays émergent, le pays du bien vivre, de la gastronomie, de l'intelligence innovatrice, nous savons préserver notre patrimoine et la culture, nous ne parlons pas très bien l'anglais certes, mais notre art de vivre fait des envieux sur toute la planète... bref, Dieu pourrait quasiment habiter chez nous, et pourtant tout semble se déglinguer inexorablement parce que semble-t-il la confiance, ce moteur de toute action, est en panne.
Mois après mois, le décompte barbare des chiffres du chômage nous met en face de nos responsabilités : encore 19.200 demandeurs d'emploi supplémentaires en septembre, + 50.200 si l'on compte ceux qui ont exercé une activité réduite, au total nous voici à 5,43 millions de demandeurs d'emploi si l'on ajoute l'Outre-Mer. "Nous sommes en échec" avouait hier le ministre du Travail Rebsamen, ajoutant, "on peut faire mieux, on va faire mieux". Et François Hollande, autiste en chef, ne trouvait rien de mieux que d'en appeler à "l'unité du pays" de passage à Dijon, chez Rebsamen. La moutarde ne lui est même pas montée au nez après l'annonce de ces chiffres catastrophiques. Ces gens n'ont même plus de colère, ils sont tels des colins froids...
Voilà, nous y sommes, nous sommes au bout du chemin de l'opulence passée, celle qui permettait d'embaucher des brassées de fonctionnaires par facilité, par lâcheté, disons-le par stupidité. Nous avons chaque mois la preuve de nos erreurs en la matière, nous avons voulu "caser" tout le monde dans la fonction publique, ce qu'on a appelé "l'amortisseur social" pour faire les malins au début de la crise en 2008, mais l'exception française n'aura été qu'un leurre, désormais nous ne pouvons plus payer la note, et ce sont les entreprises qui passent à la caisse, avant la fermeture définitive. Vous en doutez encore ? Savez-vous que l'Etat va devoir sortir 4 milliards de votre poche pour mettre à l'équilibre les seules retraites des cheminots et de la RATP en 2015. Juste pour 2015. Vous allez payer, vous qui partirez en retraite à 65 ou 67 ans, pour ceux qui partent à 55 ans. Et on nous dira qu'il ne faut rien réformer, rien changer. Mais ce n'est pas la France qu'il faut réformer, mais les Français...
LE CHRONIQUEUR