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De l’excès pour le plus grand mal

09/02/2012
« Après cinq ans de mandat de Nicolas Sarkozy, il n’y a aucun contre-pouvoir » se lamentait Cécile Duflot la patronne des Verts le 7 février dernier au journal de i-télé. Voilà bien le genre de phrase lâchée à l’emporte-pièce, pour faire un genre, pour avoir l’air de s’y connaître, un acte de résistance extraordinaire, si j’ai bien compris, face au pouvoir sans partage du Président actuel. On aurait pu alors s’attendre à une suite à cette phrase, une suite initiée par l’un des deux journalistes présents lors de l’interview. Mais non.
« Aucun contre pouvoir » ? Mais faut-il rappeler à Madame Duflot, pourtant jamais en retard d’un conseil ou d’un constat qui ne souffre aucun contradiction, que la gauche détient actuellement toutes les régions, les deux tiers des départements, quasiment toutes les villes grandes et moyennes, et désormais le Sénat, sans oublier les centrales syndicales presque toutes de pensée de gauche, sans oublier les associations de ci et de ça qui squattent les médias. Aucun contre pouvoir alors que nous avons passé l’année 2011 en compagnie des états d’âme du Parti Socialiste des déboires de DSK aux primaires. Qu’est-ce que Cécile Duflot appelle un « contre pouvoir » ? Le seul fait qu’aucun journaliste ne lui pose la question permet d’en ajouter un autre à cette liste : la presse. On ne va quand même pas nous dire que Sarkozy verrouille la presse ? Ou bien il le fait très mal, car pas un journal, pas une radio, pas une télé qui n’a de cesse de déverser des tombereaux de boue – quand ce n’est pas de la haine – sur le Président.

 

Parce que… et c’est tout !

Mais Madame Duflot n’est pas un cas isolé, le lendemain, Corinne Lepage, candidate à 0,5% de matière électorale, expliquait sur France Bleu que Nicolas Sarkozy ne devait pas être réélu. Je ne sais même plus quels furent ses arguments, mais on peut toujours résumer l’affaire à : Parce que ! Et voilà, c’est tout et c’est comme ça !

Bon, je ne vais pas me reconvertir en militant UMP, ce n’est pas truc, franchement. Mais j’ai juste envie de ne pas japper avec la meute, avec « les chiens » aurait dit François Mitterrand en son temps, qui pourtant leur devait de grands silences médiatiques, silences sur la Francisque que le Maréchal Pétain lui avait remise quelques mois seulement avant le Débarquement, sans doute prenait-il les eaux à Vichy, silences sur les amis collabos, silences sur sa maîtresse et sa fille que le contribuable a entretenues quatorze ans durant (et pas dans un F2 à la Courneuve !), silences sur l’arrivée de députés FN à l’Assemblée grâce à une modification du mode électoral ad hoc… 

Donc arrêtons-nous à la meute, celle qui avait déjà décidé qu’il ne devait pas gagner il y a cinq ans, celle qui avait fait de DSK son champion, celle qui alors daubait sur Hollande que l’on traitait de prince consort aux plus beaux jours de Ségolène, tout juste bon à garder les gosses, bien sûr tout cela avant que le patron du FMI ne culbutât la boniche pour reprendre l’expression d’un grand impartial de la « meute ».

Aujourd’hui, cette même « meute » voudrait nous faire croire que par toucher royal (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !) François Hollande pourrait guérir les écrouelles.

Parce que. Donc. A cause du Fouquet’s – où d’ailleurs on mange moins bien et moins cher qu’à la Maison de la Chimie, la cantine de Solferino -, à cause de Carla (là c’est de la jalousie parce que le « nabot » sort avec un mannequin et une chanteuse, à cause de parce qu’il est petit à talonnettes, parce qu’il bouge beaucoup trop, et pour un journaliste habitué à travailler deux heures par jour c’est insupportable, parce qu’il a voulu casser ce moule confectionné par le Conseil National de la Résistance sous la houlette du Parti Communiste en 1945, et dans lequel chaque citoyen a le devoir de se couler en se taisant, même 67 ans après, comme si le monde, si la France n’avaient pas changé.

Parce que et c’est tout ! La crise, quelle crise ? C’est lui le responsable. Peut-être, mais alors pourquoi l’avoir laissé diriger l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Italie, l’Irlande et quelques autres pays européens ? Il y a les déficits. Oui, issus de la baisse des recettes de l’Etat dues à la crise à partir de 2008 et 2009 : moins d’impôts sur les sociétés, moins de TVA, moins de recettes, et pourtant pas un euro de prestations sociales n’a manqué à l’appel, à tel point qu’on n’a jamais dépensé autant qu’en 2011 pour ce seul secteur, et jamais dépensé autant pour l’éducation.

Oui, mais le bouclier fiscal ? Une erreur c’est certain, mais qui ne représentait qu’environ 650 millions sur quelque 100 milliards de déficits. Il a donné de l’argent aux banques dit-on encore. Au plus fort de la crise, l’Etat a prêté de l’argent aux banques pour sauver le système, pour sauver les économies des Français. Et ce prêt a rapporté 12 milliards à l’Etat, 12 milliards d’intérêts que les banques ont payés. Mais qui en parle ? Comme on oublie la taxe sur les transactions financières que Nicolas Sarkozy veut mettre en place. Pourquoi François Mitterrand et Jacques Chirac ne l’ont pas fait ? Pour protéger leurs amis milliardaires ?...

 

« Le rêve français »

« François Hollande veut réenchanter le rêve français » lisait-on dans la presse après son premier meeting de campagne du Bourget, là où une salle de 8.000 places a pu contenir quelque… 25.000 personnes. Ce jour-là, le candidat socialiste tapait fort : « Mon véritable adversaire c’est le monde de la finance ». Quel magnifique combat en perspective, le même que François Mitterrand devait engager en 1981. On a vu la suite : trois dévaluations en deux ans, un carnet de change qui nous faisait ressembler à des touristes d’Allemagne de l’Est en vacances en Bulgarie (c’était 2.000 frs par personne et par an, quasiment une fermeture des frontières), sans oublier l’envolée du chômage que le candidat Mitterrand avait promis d’éradiquer en embauchant massivement des fonctionnaires. Va-t-on nous refaire le coup du « passage de l’ombre à la lumière » ?

Alors, qu’est-ce donc ce « rêve français » dont parle M. Hollande ? Sont-ce les dizaines de milliers de jobs de fonctionnaire annoncés, et que l’on va créer avec l’argent de la France marchande si mal en point, à cause déjà de dépenses publiques colossales, de nouveaux fonctionnaires que l’on paiera avec l’impôt, les cotisations Urssaf, la CSG et autres prélèvements qui dézinguent notre consommation bien plus gravement que 1,6 point de TVA en plus.

Est-ce, ce « rêve français », cette envie de plier les gaules le plus vite possible parce que, nous dit-on, les Français sont épuisés. C’est vrai que nos parents ou grands parents n’étaient pas fatigués. Ils se contentaient de mourir 20 ou 30 ans plus jeunes que nous.

Serait-ce une société où l’argent disparaîtrait, où l’Etat serait le Grand Redistributeur, cette soviétisation rampante amorcée à la fin de la guerre et que les pouvoirs successifs ont contribué à faire prospérer : déresponsabilisation du citoyen avant une prise en charge totale par la collectivité. Encore un effort, on y est presque ! Ne riez pas, c’est quand même le discours de nombreux candidats, Arthaud et Poutou pour l’extrême gauche, Mélenchon au Front de Gauche, Joly chez les Verts, et maintenant Hollande qui s’y colle, histoire de ne pas se faire déborder par son aile gauche, chez lui au PS. Sans doute a-t-il en tête l’expérience Royal en 2007. On n’attendait pas ça de lui, nous voici loin des thèses d’un Strauss Kahn ou d’un Jacques Delors.

Pourquoi faut-il toujours mettre l’excès sur le métier, faire monter les seconds ou troisièmes couteaux qui lâcheront des phrases assassines, des comparatifs scabreux sur le retour du nazisme parce qu’un ministre parle de civilisation ? Entre nous, ne pouvait-il pas se taire au lieu d’en remettre une couche ? Excès, excès, il faut taper, taper fort comme dirait Mélenchon. Mais taper sur qui, sur quoi ? Et pourquoi pas des têtes sur des piques et la guillotine sur chaque place ?

Comment peut-on parler si fort et si mal dans ce pays qui est le champion du monde des aides sociales, de l’accueil des étrangers et des services publics ? Mais dans quel monde vivent ces gens qui demandent ce qui existe déjà abondamment ? Avec la complicité des média, on essaie de faire croire aux Français que la misère est devenue insoutenable, et au regard des mouvements sociaux préélectoraux, on en déduira que cette misère touche principalement les corps de fonctionnaires.

Voilà ce que va être notre quotidien jusqu’au mois de mai, comme si, quelque part, on avait peur que les électeurs soient à ce point couillon pour remettre un bulletin Sarkozy dans l’urne.

 

Jérôme Nimaud

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