Alors, comment ça marche ?
Pour gagner au second tour, comme on dit, il faut faire le plein. Mais de quoi, de super, de visiteurs, de provisions pour la route ? En fait, il faut rallier à soi ceux qui vous vilipendaient depuis des mois, qui en faisaient des tonnes sur le thème Sarkozy-Hollande même combat, changez de fournisseur… mais qui se retrouvent aujourd’hui avec un lot d’invendus à fourguer contre quelques maroquins et autres circonscriptions. Parce que c’est bien de faire ses 15%, mais si c’est pour finir comme Bayrou sur une île déserte pendant cinq ans avec pour seuls Robinsons Marielle de Sarnez et Douste-Blazy, autant plier les gaules tout de suite et aller pointer chez Paul Emploi histoire de faire le lien en attendant que l’heure de la retraite sonne.
Donc on négocie. Et à ce niveau-là, je préfèrerais être à la place de Sarkozy qui va devoir se taper Bayrou, qu’à celle de Hollande qui va se retrouver avec un Mélenchon chaud bouillant dès vingt heures et deux minutes le 22 avril. Hollande va devoir monter des digues, faute de quoi il se prendra un Front de Gauche force 15 sur les côtes, ça va déchirer ! L’autre va lui faire avaler les ministres communistes, le smic à 1700 €, le mausolée de Lénine et la tête d’Eva Joly au court-bouillon. Et si jamais il est plus près des 20 que des 15%, il lui fera signer la nationalisation des banques, des pétroliers et des étapes de montagne du Tour de France, et en premier celle du col de la Faucille !
Sarkozy devra cajoler le centre
Pour Sarkozy, le choix est simple, sa stratégie à deux coups est inscrite dans le temps : plus de sécurité et un discours dur jusqu’au 22 avril, puis lâcher du lest jusqu’au 6 mai. Entre les deux tours, il lui faudra rassurer, cajoler, chouchouter, border avec Pimprenelle cette France du centre qui mange à point, qui passerait bien à l’orange (la couleur du MoDem) pour ne pas avoir à choisir entre stop ou encore, qui s’habille mi-saison, en chemise mais avec un pull jeté sur les épaules, qui préfère Joan Baez à Joe Cocker à Woodstock, qui roule en break, cotise au Rotary, donne aux pauvres mais avec un reçu pour les impôts, et qui trouve dans le programme de François Bayrou l’idéal d’une société figée à qui il n’arrive rien… parce qu’il n’arrivera rien ! Comment voulez-vous que ces vrais héritiers de VGE s’encanaillent avec un type qui s’appelle Jean-Luc, et qui avec ses potes nostalgiques de l’Armée Rouge va se taper Solferino et toutes les vieilles duchesses de la maison royale, celles qui hantaient les galeries du pouvoir à l’époque d’un autre François, celui qui dans un temps avait pris les eaux à Vichy à l’ombre d’un Maréchal de France.
Car ce que les types qui posent des sondes chaque jour pour connaître la température des Français ne vous disent pas, c’est que Bayrou à 12%, c’est quasiment 100% de matière centriste élevée au grain de l’ex-UDF. Nous ne sommes plus en 2007 quand Bayrou tutoyait les 20%, à l’époque où les bobos en avaient fait leur idole. Avec un score en chute libre, le candidat n’est plus dans la même situation. Comme on dit (ou le disait Jules Renard), « pour bien arriver il faut d’abord arriver soi-même, puis, que les autres n’arrivent pas. »
Il faudra choisir… ou mourir
Si François Bayrou choisit François Hollande, c’est la mort politique qui l’attend. Avant un an, le PS l’aura tué. Il n’a aucune place entre Hollande et Mélenchon, il ne sera même pas un otage, Judas avait encore plus d’avenir autour de la Table !
Alors ? En fait, pourquoi ne pas imaginer un ticket avec Sarkozy pour un bail à Matignon. Là le MoDemiste est remis en circulation, il existe, il redevient l’un des deux candidats crédibles à droite et au centre pour 2017. Certes, il aura Copé sur le dos, mais Sarkozy ne sera plus dans la course. De plus, Matignon serait pour lui le moyen de prouver aux Français qu’il a un réel potentiel en tant qu’homme d’Etat. Mais avant tout, il lui faudrait bien sûr montrer sa capacité à rallier sur son ralliement environ 80% de ses électeurs. Dans le cas contraire, la preuve serait faite qu’il n’est que le speaker du Grand Barnum qui passe ce soir dans votre ville.
De son côté, Nicolas Sarkozy n’aura aucun problème à imposer un Premier Ministre centriste à une UMP qui devra faire avec. Bayrou dans les habits de Raymond Barre, et pourquoi pas, personne ne lui demandera de jouer les Zadig auprès du roi de Babylone ! ?
De plus, Sarkozy, incontesté dans son rôle d’européen convaincu, a peut-être les bonnes cartes pour séduire ces mêmes centristes. C’est aussi la seule chance qu’il lui reste pour gagner le 6 mai, et c’est peut-être aussi la seule médecine ad hoc dans la trousse de survie de Bayrou, à moins que ce dernier ne se la joue Cyrano : « Ne pas monter bien haut, mais tout seul… »
J. Nimaud
LE CHRONIQUEUR
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