Dans le sillage de Napoléon
Parlons-nous de Stendhal, de Napoléon ou de Parme ? Mais peut-on dissocier l’un des autres, le romancier psychologue, le poète, et cette Italie qu’il a rencontrée dès l’âge de dix-huit ans en compagnie d’un futur ministre de Napoléon ? Et ce même Napoléon est indissociable de la vie d’Henri Beyle : l’Allemagne et l’Autriche pour se faire la main comme intendant militaire, la Russie par la suite, et c’est après la chute de son employeur, l’Empereur, que Stendhal retournera en Italie. Et là encore, après avoir été consul de la Monarchie de Juillet à Trieste et Civitavecchia tout près de Rome, son chemin croisera le souvenir de l’Empereur puisque c’est sous la régence de Marie-Louise d’Autriche, seconde épouse de Napoléon, qu’il passera par Parme.
Si la ville fut département français du Taro en 1801 par la volonté du premier des Français, c’est par le traité de Fontainebleau et le congrès de Vienne en 1815, chargé de liquider la succession de l’usurpateur, qu’elle sera confiée à titre viager à Marie-Louise, et ce jusqu’à sa mort, revenant alors à la Maison des Bourbon-Parme. Marie-Louise règnera sur les duchés de Parme et Plaisance durant trente ans (jusqu’en 1847) et par son action rendra son rayonnement à la ville, tant au niveau artistique qu’urbanistique. De nombreux projets verront le jour, elle accordera également toute son aide aux plus miséreux.
L’histoire pourrait retenir que Stendhal publia la Chartreuse quelques semaines avant que Louis-Philippe ne se décidât à autoriser le retour des cendres de Napoléon…
Avec Fabrice, l’abbé Blanès, le comte Mosca…
L’idéal poétique et littéraire devait réveiller une partie de l’Italie sous la tutelle autrichienne. Parme aura son lot de consolation avec cette belle épopée qui finira d’abord au sommet de la Tour Farnèse (introuvable !), puis par la mort du héros retiré dans une chartreuse (elle aussi introuvable !). Mais on aurait aimé croiser le fils du lieutenant Robert Via Mazzini, partageant avec quelques amis le jambon de Langhirano arrosé d’un verre de Lambrusco, peut-être pour croire à l’authenticité d’un récit qui a fait de Parme le décor d’une ultime aventure romanesque précédant l’Europe moderne et républicaine sur fond de lumière dentelée et d’un raffinement bourgeois avéré.
Sur la Via Emilia
Colonie romaine au 2e siècle avant J.C, Parme deviendra très vite un centre prépondérant de la vie économique régionale, notamment grâce à la construction rapide de cette Via Emilia. Mais sa situation géographique aura d’autres conséquences, parfois moins fructueuses socialement et économiquement. Saccagée par l’armée d’Attila en 452, elle verra passer par la suite de nombreux visiteurs, pas toujours pacifiques on s’en doute, les Lombards, les Magyars, Frédéric Barberousse, les Visigoths… avant que la famille Sforza, soutenue par la noblesse locale des Pallavicino, Rossi et Da Corregio, ne prenne le pouvoir au milieu du 15e siècle. Les deux siècles suivants seront marqués par le règne des Farnèse et par une expansion culturelle de premier ordre : Parme devient une capitale riche en monuments et œuvres d’art au cours des 16e et 17e siècles.
Espagnole ensuite, puis française, elle sera annexée au royaume d’Italie en 1860, puis à la République d’Italie au 20e siècle.
Une trilogie historique en ville
ADMINISTRATIF :
Piazza Garibaldi, là où se termine la via Mazzini et où débute la via Della Republica, deux majestueux palais se regardent, s’observent, chacun délimitant ses influences : le palais du Gouverneur, dont les premiers éléments datent de 1283, et le palais de la Commune, édifié à partir de 1627 et dont les arcades abritèrent longtemps le marché public et du blé. Depuis cette place Garibaldi, qui peut nous conduire vers d’autres palais remarquables (de l’Université, du Tribunal, Pallavicino…), nous pouvons également distribuer les rôles…
CULTUREL :
et c’est par le palais de La Pilotta, dont la construction fut commencée à la fin du 16e siècle, que nous prendrons possession de ce vaste ensemble comprenant le Musée Archéologique avec ses collections d’arts égyptien et grec, le célèbre Théâtre Farnèse (au premier étage de La Pilotta) qui occupe une ancienne salle d’armes depuis 1618 et dont la structure est totalement conçue en bois et stuc, la Galerie Nationale riche des primitifs toscans mais surtout d’œuvres du 10e au 19e siècle (de Vinci, Holben, Brueghel, el Greco, Van Dyck…), sans oublier les « stars » locales Correggio et Parmigianino, et enfin la Bibliothèque Palatina fondée en 1761 et décorée par le lyonnais Alexandre Petitot (dont nous reparlerons plus loin).
RELIGIEUX :
et c’est le quartier de la Cathédrale, où là encore, un ensemble impressionnant suscitera l’intérêt du visiteur. Ce centre épiscopal monumental en brique rose comprend, on l’a dit, la cathédrale dédiée à Maria Assunta, l’une des plus prestigieuses de l’art roman italien et dont l’édification débuta au milieu du 11e siècle, avec ses trois nefs en croix latine. Les fresques de la coupole sont signées Correggio. Le monument le plus étonnant de Parme est sans doute le Baptistère du 12e siècle que l’on doit à Antelami, vraiment singulier par sa structure octogonale irrégulière en marbre rose de Vérone composée de quatre files de loges à linteaux. A l’intérieur, on ne manquera pas d’admirer la coupole de style byzantin et les « Douze Mois », sculptures d’Antelami.
Le centre épiscopal regroupe encore l’Evêché et Musée Diocésain (11e siècle) avec ses onze fenêtres trilobées, San Giovanni, couvent des moines bénédictins, et la pharmacie ou « épicerie de San Giovanni », attenante au couvent..
Mais encore…
Les palais, la culture, la religion, aurions-nous bouclé une trilogie citadine en revisitant dix siècles d’histoire politique, artistique et chrétienne ? Disons-le, là est l’essentiel, mais nous pourrons également ajouter le Palais Ducal, le Palais Cusani édifié au 15e siècle et qui servit tour à tour d’université, de tribunal, d’hôtel de la monnaie, pour devenir désormais Maison de la Musique, siège des archives du Teatro Regio et institut d’études sur l’œuvre de Verdi… et plus excentrée, nous irons voir cette Citadelle bâtie au 16e siècle et dont le tracé pentagonal accueille aujourd’hui un parc public.
Et n’oublions pas que Parme est italienne, donc une invitation à la flânerie de place en ruelle, de palais en simple demeure. Ainsi, on pourra passer de la maison natale de Toscanini côté violon, au Teatro Regio que l’on doit à Marie-Louise côté scène lyrique, mais aussi des boutiques chic (et internationales) de la via Mazzini - Parme est l’une des villes les plus riches d’Italie grâce entre autres à l’industrie agro-alimentaire -, aux petites échoppes dont la décoration semble avoir été figée il y a un siècle ou deux, et où bien sûr, on s’approvisionnera en Parmigiano Reggiano, le parmesan produit ici, en jambon cru de Langhirano et autres tortelli aux herbes fines, cappelletti, Lambrusco et Malvasia.
L’appétit venant en mangeant, on pourrait alors se mettre en quête d’une « Duchessa de Parme » ou viande farcie au parmesan et jambon cuit. Il sera toujours temps après de prendre le café (ristretto !) piazza Garibaldi, histoire de revenir sur nos pas à notre point de départ. De là, on pourra encore admirer l’œuvre du lyonnais Petitot, la façade de San Pietro Apostolo… Et reprendre un café !
Une ville sous influence
« Le nom de Parme, une ville où je désirais le plus aller depuis que j’avais lu La Chartreuse, m’apparaissait compact, lisse, mauve et doux ; si on me parlait d’une maison quelconque de Parme dans laquelle je serais reçu, on me causait le plaisir de penser que j’habiterais une demeure lisse, compacte, mauve et douce, qui n’avait de rapport avec les demeures d’aucune ville d’Italie. » Marcel Proust aimait cette idée de Parme, c’est ce qu’il a écrit dans son roman « Du côté de chez Swann ».
Cette dolce vita tient ses références des 18e et 19e siècles. Parme est indissociable du règne de Marie-Louise d’Autriche, on l’a dit, mais aussi de grands artistes qui ont vécu ou travaillé ici : Ennemond Alexandre Petitot, né à Lyon en 1727, qui deviendra premier architecte à la cour de Parme, avant lui Il Parmigianino, né en 1503, et dont les œuvres témoignent d’un 16e siècle prolifique pour la peinture, ou encore bien bien avant, Parmense, auteur de tragédies au 1er siècle et issu de l’une des familles romaines ayant fondé la ville.
Et la musique ? Et le théâtre ? Arturo Toscanini est né à Parme en 1867 (il y décèdera en 1957), il fut chef d’orchestre et compositeur au foyer du Regio avant de triompher sur les scènes du monde entier à la tête des plus grands orchestres, de la Scala de Milan au Metropolitan de New York : « Je brûle ou je gèle, la tiédeur je ne sais pas ce que c’est… » expliquait celui qui fuira l’Italie de Mussolini et qui quittera Salzbourg afin de protester contre la présence nazie. De Toscanini on ira chez Verdi, né tout près d’ici à Busseto, toujours présent en ville puisqu’un festival lui est consacré chaque année au Teatro Regio. On citera également le violoniste Paganini qui fut musicien de l’orchestre Ducal, et pour conclure cet article de journal, souligner que l’un des tout premiers journaux italiens s’appelait « la Gazzetta di Parma », c’était en 1735.
PRATIQUE
Depuis Lyon, direction Chambéry, tunnel du Fréjus, Turin, Piacenza et Parme, environ 550 km (autoroute tout le long du trajet).
Renseignements :
Office du Tourisme à Parme, via Melloni 00 39 52 121 88 89
Réservation hôtelière 00 39 52 129 88 83
Auberge de jeunesse 00 39 52 11 91 75 47
Office National Italien du Tourisme
23, rue de la Pais à 75002 Paris
Tél 01 42 66 03 96 (infoitalie.paris@enit.it)
LE CHRONIQUEUR
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