Dossiers économiques
« Une société, en droit, c’est une personne morale. J’aime bien cette formule parce qu’elle rappelle que toute société, la nôtre par exemple, le monde occidental qui est dominant depuis cinq siècles, est comme une personne et que donc elle vieillit, et qu’elle sera remplacée un jour par une autre. » C’est ainsi que s’exprime l’un des personnages du dernier roman de Francis Dannemark « Du train où vont les choses à la fin d’un long hiver. » Même sortie de son contexte littéraire, cette phrase est d’une limpide évidence, du moins au premier degré. Nous avons terriblement vieilli en très peu de temps, disons 20 ans, et cela ne ressemble même pas à une crise existentialiste – et surtout pas de croissance ! -, c’est comme si nous étions arrivés au bout du rouleau à force de nous faire corriger jour après jour par ces minorités dominantes et autoritaires. Minorités qui ont pris le pouvoir grâce aux médias, séide de ce « Tout Puissant Moralisateur ».
« On va finir par aller braquer la mère Bettencourt ! » hurlait une gréviste de Toulouse au micro d’une radio. Mais où est-on ? On se croirait revenu un siècle et demi au milieu de gens qui meurent dans la rue de faim ou sous la mitraille des troupes du général Cavaignac. Mais que cherchent ces – paraît-il – 70% de Français favorables au mouvement de grève, alors qu’il y a six mois ils étaient – paraît-il encore ! – 70% pour la réforme des retraites. Serions-nous à ce point girouettes ou, j’en ai bien peur, les gens les plus stupides du monde ? Vous allez dire que j’exagère, à peine…
Que n’a-t-on entendu en quelques semaines comme idées fumeuses et faciles pour régler ce problème de déficit des retraites : faire payer les riches (la mère Bettencourt ?), mais ils ne le seront plus une fois ponctionnés et le déficit reviendra, supprimer le bouclier fiscal à 700 millions d’euros alors qu’il faut d’urgence trouver 30 milliards, ou encore plus expéditif, virer Sarkozy l’usurpateur !
Mais est-ce si simple ?...
Lorsque l’Allemagne se met en colère parce qu’on lui demande de payer la note que la Grèce a laissé chez l’épicier, c’est toute l’Europe qui semble prendre conscience de ses errements passés, qui reconnaît avoir vécu très largement au-dessus de ses moyens. De la Belgique à la Méditerranée, tous les gouvernements ont sorti la tenue de rigueur, rigueur obligatoire pour tous et pas de manière homéopathique : il va falloir tailler dans le gras (dans le mammouth aurait dit un certain Claude Allègre), cette « mauvaise graisse » dont le cholestérol économique se mesure à l’échelle des déficits. Tous les gouvernements ? Pas tous en fait, puisqu’en France on se refuse encore à évoquer la rigueur, ce mot terrible qui fit chuter Pierre Mauroy et la belle expérience née avec le 10 Mai 1981.
« Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera ». On doit cette prophétie à Napoléon ( mais rien n’est certain), elle fut reprise en 1973 par Alain Peyrefitte qui fut ministre du Général de Gaulle, de Georges Pompidou et de Valéry Giscard D’Estaing jusqu’en mai 1981. « Quand la Chine s’éveillera » fut ce qu’on appelle un best-seller de la littérature, une vision assez juste de ce qui nous tombe dessus trois décennies plus tard, et, on peut aussi le dire, une mise en garde qui aurait pu être les prémices d’une déclaration de guerre. Car qu’on ne s’y trompe pas, malgré une ouverture partielle sur le monde, le « continent Chine » ne pourra prospérer uniquement sur ses propres terres, il lui faudra donc passer par des conquêtes. En location pour commencer, et c’est ce que le gouvernement fait aujourd’hui en mettant la main pour de très longues périodes sur des terres agraires, notamment en Afrique, ainsi que sur les gisements de minerais les plus juteux, en location d’abord on l’a dit, avant d’en devenir le propriétaire après une seconde phase qui, n’en doutons pas, sera beaucoup moins pacifique. Mais sommes-nous prêts à entendre la menace ? Pas plus qu’il y a soixante ans je crois…
Lorsque le 20e siècle s’ouvrait plein de promesses d’un monde meilleur mais que « la France marchait vers l’abîme de la guerre en titubant », pour reprendre les mots de Max Gallo, le Président de la République élu en 1906, Armand Fallières, dut affronter de graves troubles sociaux, depuis les fortes revendications syndicales aux terribles violences anarchistes de 1910 à 1912, en passant par la crise viticole qui toucha le Midi en 1907. Fin politique, il sut également s’entourer de présidents du Conseil d’influence, appelant successivement à ce poste Georges Clemenceau, Aristide Briand, Joseph Caillaux et Raymond Poincaré.. C’est aussi lui qui réconcilia la Grande Bretagne avec la Russie pour former avec la France la Triple Entente.
Industrie : « ensemble des activités, des métiers qui produisent des richesses par la mise en œuvre des matières premières. » Définition par Larousse, est-il encore temps de parler de notre industrie et d’organiser ses Etats Généraux en conclusion desquels le Président de la République a rappelé, chez Eurocopter à Marignane, toute l’importance de ce secteur en constante perte d’identité en France.
On le sait, mais il est toujours utile de le rappeler, l’industrie est le cœur du développement économique d’un pays. A trop vouloir surfer sur la vague des services, nous avons oublié que pour créer de la richesse il faut exporter. Nos déficits chroniques du commerce extérieur face aux excédents allemands (244 milliards de dollars en 2009) nous rappellent que nos bases économiques ne sont pas tout à fait identiques. En clair, ils fabriquent encore chez eux ce que nous faisons faire à l’étranger et que nous importons ensuite. Constat d’échec ?... et retour sur une fabuleuse aventure.